Une dissertation rédigée pour mon cours de webmarketing.
Un wearable est un accessoire dans lequel des éléments électroniques plus ou moins avancés ont été incorporés : les wearables, ou accessoires augmentés en français, sont donc une catégorie bien précise de l’Internet des objets, qui est « un réseau de réseaux qui permet, via des systèmes d’identification électronique normalisés et sans fil, d’identifier et de communiquer numériquement avec des objets physiques afin de pouvoir mesurer et échanger des données entre les mondes physiques et virtuels. » (Benghozi P-J, Bureau S, Massit-Folléa F, Waroquiers C, Davidson S. L’internet des objets. [Paris]: Éd. de la Maison des sciences de l’homme; 2009.)
Si on pense tout d’abord aux smartwatches ou montres connectées lorsqu’on évoque les wearables, en particulier depuis le lancement de l’Apple Watch, on ne peut bien sûr pas s’arrêter à ce simple produit : les wearables incluent les bracelets connectés, les vêtements dotés de capteurs ou d’écrans ou encore les lunettes connectées (Google Glass étant emblématique de ce marché).
On fait la différence entre deux types de wearables : ceux dotés d’une interface, smartwatch et lunettes en tête, et ceux qui se destinent à la récolte de données, notamment les bracelets connectés de type FitBit. Le graphique ci-dessous présente plusieurs technologies de wearables et leurs applications, et chacune d’entre elles a bien sûr un intérêt marketing. On remarque donc différents secteurs, de la sécurité à la beauté en passant par la communication, et différents usages dans lesquels ces nouveautés scientifiques seraient appréciées et possibles à mettre en place.
Dans un souci de simplicité, nous nous concentrerons sur les montres et bracelets connectés dans la suite de cette dissertation.
Aujourd’hui, 2% des adultes possèdent une smartwatch, et 10% un bracelet de fitness de type FitBit. Une forte croissance est cependant prévisible : le segment démographique leader des objets connectés se situe chez les jeunes, de 18 à 34 ans, qui sont 31% à prévoir l’achat d’un wearable dans le futur proche. Si on se concentre uniquement sur le désir de possession d’un objet connecté, on remarque que les jeunes de 16 à 24 ans sont une grande majorité à souhaiter avoir un jour un objet connecté : 71% d’entre eux selon une étude de GlobalWebIndex relayée par Forbes en septembre 2014. Une étude IDATE prévoit, quant à elle, un marché total de 123 millions d’unités en 2018 et composé à 65% de montres. Enfin, une dernière étude, conduite par Juniper Research, attend des ventes d’une valeur totale de 53 milliards de dollars en hardware uniquement (application non incluses, donc) d’ici 2019. Un essor non négligeable dans tous les cas.
Le secteur de la publicité réagit rapidement aux innovations. Un espace reste rarement vide de tout contenu publicitaire très longtemps, et l’essor des wearables s’accompagne nécessairement de leur incorporation dans des nouvelles stratégies marketing. On remarque d’ailleurs que 58% des marketeurs du secteur numérique pensent que l’Internet of Things est une priorité pour 2015 – et 68% des PDG sont du même avis – les CMOs tout autour du monde sont plus de la moitié à considérer l’IoT comme une des inventions ayant le plus gros impact sur les marketeurs d’ici 2020. C’est donc cette question de l’utilisation des wearables à des fins de marketing qui nous poussera donc à réfléchir à ses applications potentielles, ainsi qu’à leurs avantages et inconvénients respectifs.
Comme l’affirme le Young Entrepreneur Council dans Forbes Magazine, l’innovation et le marketing doivent avancer main dans la main et être « deux rouages d’une même machine entrepreneuriale ». On ne veut pas d’un marketing qui n’innove pas, ni d’une innovation sans marketing – et c’est pourquoi je tiens à insister sur mon choix de travailler sur l’alliance du marketing et des wearables et non du marketing des wearables.
Une question à se poser avant de commencer est de savoir si le département marketing des entreprises dont nous parlons ici doit investir dans le développement de hardware dédié (bracelet de santé, par exemple), ou développer un software compatible avec les différentes offres hardware déjà existantes sur le marché, ce qu’on observe plus souvent avec les smartwatches qui fonctionnent avec un système d’applications proche de celui des smartphones fonctionnant déjà sous ce modèle. La question se pose, mais sa réponse semble simple : le hardware nécessite d’énormes moyens et ne rentre pas dans le cœur de cible des entreprises dont nous parlerons dans cette dissertation, et ne semble donc pas être une stratégie viable. Le développement d’applications a été largement adopté dans le monde des smartphones, et le sera probablement pour les wearables – nous ne nous pencherons donc pas plus sur la question dans cette dissertation.
L’objectif premier de toute entreprise souhaitant s’intégrer avec succès dans une stratégie marketing incorporant les wearables sera d’offrir une expérience « seamless » à ses clients. Il faudra faciliter, bien sûr, l’utilisation des wearables, l’acte d’achat et l’exposition à la marque en permanence – tout effort sur des supports nouveaux et dont le consommateur n’a pas encore l’habitude sera très mal perçu et pourrait avoir un effet très négatif sur son utilisation à la fois du wearable et de l’objet de la campagne marketing. Les smartphones permettent déjà de recevoir des réductions qui s’appliquent dans le magasin où on se trouve à un instant précis : pourquoi pas les montres ou les lunettes, encore plus pratiques puisqu’on n’a même plus à prendre l’initiative d’en regarder l’interface ? En effet, le parcours d’un utilisateur dans un magasin peut être optimisé et accompagné de notifications et d’aides utiles, actuellement sur son smartphone mais peut-être plutôt bientôt sur ses accessoires augmentés, et en particulier sur une smartwatch dotée d’un système de paiement NFC.
Dans ce cas de figure, en plus du paiement sans contact avec la simple apposition de la montre connectée, on pourra offrir au consommateur du marketing de proximité, que ce soit dans la rue en lui indiquant les magasins qui pourraient convenir à ses préférences (par exemple, des restaurants correspondant à ses goûts culinaires, ou un point de vente de sa marque de vêtements préférée) ou à l’intérieur même du magasin, rayon par rayon, avec un système comme les bornes murales Estimote. Dans ce cas, le consommateur serait accompagné dans chacune de ses décisions, avec des recommandations – sur des lunettes connectées, par exemple – ou une information sur les promotions très adaptée au petit écran d’une montre connectée. Enfin, à l’approche de la caisse, l’utilisateur pourrait recevoir des bons de réductions adaptés aux rayons devant lesquels il s’est attardé, et donc probablement aux livres qu’il aura choisi d’acheter. Penchons-nous de plus près sur l’amélioration de l’expérience utilisateur par le biais de ses accessoires augmentés.
La première spécificité qui viendra à l’esprit quand on parle de marketing par les objets connectés est l’accessibilité de l’information. On n’a même plus besoin de sortir son téléphone de sa poche pour avoir accès à toutes ses informations : il suffira de jeter un coup d’œil à sa montre ou au coin de son champ de vision pour cela. Une adaptation de la stratégie marketing d’une entreprise sera donc nécessaire pour fournir à l’utilisateur une information qui soit non seulement pertinente, mais aussi assimilable en une ou deux secondes à peine.
Trulia, une agence immobilière, a conduit un test avec les Google Glass en juin 2013 : l’entreprise a créé une application de recherche de logement combinée aux lunettes connectées. Quand un utilisateur de l’application approchait une maison en vente ou à louer qui correspondait à ses critères de recherche (nombre de chambres, prix, surface…), l’application lui montrait des photos de la propriété, les directions pour s’y rendre et les informations de contact de la personne chargée des visites.
En plus de cette immédiateté et de ce contexte intéressant, Trulia personnalisait l’offre, envoyant les alertes pour les maisons qui répondaient aux critères déjà définis par l’utilisateur, mais qui étaient aussi similaires à ceux qui l’avaient intéressé auparavant : c’est là la grande force de l’Internet des Objets, qui apprend et s’adapte à l’utilisation qu’on en fait.
Jeff McConathy, vice-président de la recherche et développement en service client chez Trulia, une entreprise dont on a parlé précédemment, explique : « quand quelqu’un lit une publicité sur un téléphone, c’est qu’elle en avait l’intention. Avec Google Glass, il faut faire très attention à ne pas s’imposer au mauvais moment. »
Certaines situations ne se prêtent en effet pas à la publicité : par exemple, en détectant un déplacement rapide et suivant les rues d’une ville, on pourra se douter que le consommateur est en voiture ou à vélo et qu’il vaut donc mieux ne pas le déranger.
De même pour une fréquence cardiaque très basse, qui indique un sommeil profond, ou très haute et localisée dans un gymnase, qui laisse entendre que l’utilisateur, en plein effort physique, a probablement mieux à faire que de lire une notification. Par contre, cette même situation permet de personnaliser au mieux l’information, par exemple avec un petit affichage juste après l’effort, rappelant qu’il faut s’hydrater et proposant de commander un pack d’une boisson proposée par un annonceur et qui sera rapidement livrée à son domicile, ou qu’il peut récupérer en revenant de la salle de sport.
Avec cet objectif d’être à la fois non-intrusif et utile, on peut réfléchir aux possibilités toujours plus importantes de personnaliser au maximum l’expérience de l’utilisateur des objets connectés.
L’adaptation de la publicité aux humeurs de l’utilisateur vient en premier : Scott Amyx, de l’agence Amyx+McKinsey, cite par exemple la possibilité d’utiliser des données biométriques pour adapter la communication au degré de réceptivité du consommateur. En effet, des dispositifs bien développés peuvent identifier les schémas classiques d’excitation, de confiance, d’intérêt, de distraction, de tristesse, de dégoût, d’ennui, de colère et de peur.
D’autres facteurs entrent en comptent dans l’humeur comme dans la disponibilité et la réceptivité de l’utilisateur de l’objet connecté, en particulier le lieu dans lequel il se trouve. Une personne n’aura pas la même attitude devant une publicité au travail, chez elle ou dans un restaurant, et elle n’aura pas non plus les mêmes besoins. S’adapter aux envies et aux demandes du client est une priorité incontestable du marketing, et l’avènement des objets connectés peut permettre, grâce à la géolocalisation ou aux capteurs de température, par exemple, de s’appuyer sur une gamme étendue de données pour optimiser son expérience en la basant sur ses besoins immédiats et sur une customisation maximale.
Cependant, le repérage des humeurs et de l’emplacement de l’utilisateur à tout moment peut être problématique à certains moments, en particulier pour des questions de protection de la vie privée. Si des consommateurs peuvent s’opposer à l’exploitation de leurs données personnelles, en particulier des informations qui concernent leur santé ou leurs déplacements, il y a aussi la question d’une éventuelle législation qui viserait à les protéger de tout abus lié à ces informations, au détriment de la personnalisation des offres et d’un service de meilleure qualité. Dans ce cas, les consommateurs seraient-ils vraiment prêts à porter des objets connectés qui ne leur facilitent pas plus la vie que les dispositifs électroniques plus traditionnels, smartphone en tête ?
Un autre avantage des accessoires augmentés est l’avènement du paiement sans contact en parallèle de leur développement : un paiement facilité à l’extrême est bien sûr une propension à l’achat supérieure. Si les propriétaires de smartphone se montrent peu enthousiastes à l’idée d’utiliser leurs wearables pour effectuer des paiements rapides, c’est aux marketeurs de changer cette attitude pour encourager la consommation via accessoires connectés. Cet avantage ne relève certes pas du webmarketing en soi, mais n’est pas négligeable dans une optique d’encouragement des achats. Un passage en caisse et le produit est acheté – plus besoin de s’inquiéter d’avoir oublié sa carte bleue ou son portefeuille.
Une dernière caractéristique des accessoires augmentés est qu’en plus d’être connectés au Cloud, ils le sont également entre eux. Ainsi, chaque wearable ou appareil supplémentaire permettra de diversifier et de compléter les données disponibles et les espaces marketing potentiels. C’est donc, selon moi, dans sa combinaison avec d’autres objets reliés à Internet, par exemple les accessoires de domotique (on notera par ailleurs que Google a récemment racheté un des leaders de la domotique, NEST), que la personnalisation peut se faire au mieux et qu’on peut évoluer de façon optimale dans cet univers connecté.
Les objets connectés permettraient donc de déclencher, en quelques actions, le déclenchement successif de nombreuses actions : appel automatique d’un taxi dix minutes avant d’aller au travail et quinze minutes avant s’il pleut, préparation automatique au bureau d’un café quand on en passe la porte, léger si le bracelet connecté de l’utilisateur le considère stressé, plus serré s’il a eu du mal à se réveiller, puis commande d’un repas correspondant à l’humeur remarquée par les capteurs et adapté à sa morphologie et à sa santé. Ce scénario hypothétique permet de servir le consommateur de façon pertinente et efficace, toujours au bon moment et sans qu’il n’ait à fournir d’effort particulier, et offre un levier marketing extraordinaire à des entreprises de transport, à des machines à café en particulier, à des marques de boissons compatibles avec les machines en question, ou encore aux restaurants où il est possible de passer commande. Les entreprises apportant le plus de simplicité et d’immédiateté d’action aux consommateurs seront donc avantagées, et récolteront tout naturellement les fruits de leur facilité d’utilisation et de leur adaptation aux nouvelles technologies.
Prenons cependant le temps de discuter un moment de l’adoption des wearables en eux-mêmes. En effet, avant de se pencher sur l’adaptation du marketing à leur utilisation, peut-être faudrait-il d’abord discuter de comment encourager les consommateurs à s’en procurer et à les utiliser régulièrement – une question que j’ai volontairement laissée de côté dans l’essentiel de ce travail, mais qui aurait pu en être le cœur.
La question a déjà été abordée par plusieurs auteurs, incluant Rachel Metz dans le MIT Technology Review (traduction française), qui analysait les causes de l’échec commercial des Google Glass et en tirait des leçons pour les prochaines lunettes connectées qui seront mises sur le marché. Toute la question de l’abandon du projet Google Glass, selon Metz, tient en deux points principaux : le premier est le design et le second tient à l’utilité de l’accessoire connecté lui-même. Pour convaincre le consommateur de se procurer un appareil quelconque, il faudra bien sûr que ce ne soit pas un simple « gadget » mais un vrai outil à valeur ajoutée. Revenons cependant à la question du design. Rachel Metz affirme que le problème ne réside pas tant dans le côté purement esthétique de la chose (en prenant pour exemple le design de Diane von Fustenberg, pas plus vendeur que l’apparence originale de l’accessoire), mais bien dans sa familiarité. Le consommateur n’est donc, selon elle, pas prêt à porter des « belles » lunettes connectées ou une « belle » smartwatch, mais sera plus enclin à se procurer des lunettes qui lui donnent l’impression (poids, forme en particulier) de porter des lunettes plus classiques, ou une montre qui ressemble à son accessoire favori.
Dans cette tendance, on peut remarquer la smartwatch de Montblanc, camouflée sous la forme originale d’un simple bracelet de montre à petit écran LCD. Ainsi, le consommateur peut porter sa montre habituelle, dont il est fier, ou qu’il trouve confortable, jolie ou utile, tout en envoyant et recevant ses données utiles via le bracelet connecté intégré.
Je crois, à titre bien sûr tout à fait personnel, que c’est une solution du même genre que la smartwatch de la marque Montblanc qui se généralisera pour son aspect pratique (batterie plus durable) et par son esthétique, en particulier chez les amateurs d’horlogerie. Le consommateur qui peut porter sa montre de luxe offerte pour ses 18 ans ou achetée après une longue période d’épargne, donc un objet à forte valeur sentimentale et monétaire, et la coupler avec le wearable, sera bien plus enclin à le porter que celui qui doit abandonner sa montre habituelle pour la remplacer par une smartwatch complètement différente, qui ne lui donne pas la possibilité de la changer. Ne nous attardons enfin pas sur le design de l’Apple Watch en particulier, qui a fait hurler plus d’un amateur d’horlogerie sur les réseaux sociaux ! Reste donc à voir si la smartwatch « cachée » de Montblanc deviendra une tendance répandue, voire la norme, ou si c’est le système de l’Apple Watch, déjà adopté depuis un certain temps par plusieurs constructeurs (Motorola et Samsung en tête), qui l’emportera sur le long terme. Attendons, par exemple, de voir la présentation de la smartwatch attendue chez Tag Heuer et Intel d’ici la fin de l’année !
Une question principale qui se pose enfin quant à l’utilisation des wearables au sein d’une stratégie marketing d’entreprise est de savoir si le wearable doit être un réceptacle ou un émetteur d’informations pertinentes sur le consommateur. Les objets connectés sont-ils donc un support marketing, ou un moyen d’engranger le plus d’informations possibles pour une personnalisation optimale, sans nécessairement les utiliser comme vecteur de communication ? Je penche, pour ma part, plutôt pour la deuxième proposition, qui me semble plus viable au moins dans un premier temps au cours duquel l’utilisateur reste frileux et peut être facilement découragé par une exposition excessive à la publicité, mais peut apprécier qu’on cible au maximum la communication qui lui est soumise.
Concluons par l’affirmation suivante qui, si j’ai bien présenté mon sujet, ne devrait plus faire de doute à ce stade de la dissertation : les objets connectés sont un enjeu majeur de notre décennie. L’essor de ce qu’on appelle l’Internet of Things en est la preuve, et si je me suis concentrée ici sur les wearables en particulier, les enjeux marketing en sont particulièrement importants dans d’autres secteurs d’application.
Certains exemples de ces domaines d’application des wearables seront la domotique ou la technologie NFC (paiement et communication avec des bornes relais sans contact). Reste à savoir si cette technologie saura se montrer à la hauteur de son potentiel tel que nous nous l’imaginons aujourd’hui, alors que des obstacles non négligeables se dressent sur son chemin : législation européenne très contraignante sur les questions de protection de la vie privée et d’intrusion dans la vie quotidienne du consommateur avant tout, mais également la question de l’adoption des objets connectés par les masses.