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50 Shades of Grey

Beaucoup trop de gens ont lu le premier tome de Fifty Shades of Grey, alors c’était pas drôle à commenter. J’attaque donc directement au début du deuxième tome. Ne vous inquiétez pas, vu la vacuité du récit, vous n’aurez pas besoin de trop d’efforts pour comprendre ce qu’il se passe. Et puis je vous donnerai un coup de main, promis.

Alors voilà. À la fin du premier tome, l’expérience DSM de Christian et Bella Anastasia Ana a un peu mal tourné. Du coup, elle l’a quitté en se disant qu’ils ne seraient jamais faits l’un pour l’autre. Cette bonne résolution tient 5 jours, mais elle se déroule entre les deux premiers tomes de Fifty Shades of Grey, donc elle est évoquée pendant une dizaine de pages et pouf, c’est le retour de Christounet.

Il s’arrache à notre baiser, haletant. Ses yeux, embrasés de désir, font bouillonner le sang déjà brûlant qui pulse dans mon corps. J’en ai la bouche toute amollie et je m’efforce de remplir mes poumons d’un air devenu rare.

-Tu… Es… Mienne, gronde-t-il en accentuant chaque mot.

Il s’écarte de moi et s’accroupit, les mains sur les genoux, comme s’il venait de courir le marathon.

Eh oui. Ils s’embrassent, donc il a les yeux rouges (non parce que « embrasés par le désir » clairement ça veut dire qu’ils sont injectés de sang, on va pas se mentir) et s’essouffle comme s’il avait couru un marathon. Et Anastasia, au lieu de lui dire que ça suffit les conneries maintenant t’arrêtes la cigarette, en a la bouche toute molle. Hmm, que c’est excitant.

Passons. Christian et Anastasia se sont rabibochés. Trop mignon. Du coup, Monsieur l’amène au restaurant. Elle boude parce qu’elle n’a jamais la possibilité de faire ses propres choix. Pour se venger, Christian lui demande de choisir le vin (pfiou, quelle vengeance, j’en tremble). Malheur, la gourdasse ne connaît rien aux vins !

« Je peux toujours bouder, me voilà bien punie ! »

raisonne-t-elle avec philosophie, en lui affirmant « Non, choisis » (parce que non, demander conseil au serveur, ce n’est pas une alternative acceptable, apparemment). Résultat, il demande deux verres de « Barossa Valley Shiraz » (je pouffe), ce à quoi le serveur, gêné, répond :

« Euh… Nous ne servons ce vin qu’à la bouteille, monsieur. »

Du dialogue de haut niveau, mais ce n’est que le début. Estimez-vous heureux, je me suis tapé 1300 pages (si on ne compte pas le premier tome, subi il y a quelques années) dont vous serez épargnés. Mais d’abord, le psychopathe va passer un savon à Anastasia parce que bon, quelle idée de le quitter simplement parce qu’il lui interdit d’aller au travail, de voir sa famille et ses amis, de ne pas manger quand elle n’a pas faim et de porter une jupe. Ah oui, et parce qu’il lui a fait sérieusement mal en l’initiant au BDSM à la fin du tome précédent, et que terrifiée, elle n’a pas pensé au mot d’alerte.

-Je me suis comporté de manière stupide et tu… Et toi aussi. Pourquoi n’as tu pas utilisé le mot d’alerte, Anastasia ?

Son ton a changé, il est accusateur.

Quoi ? Waouh ! Nouveau changement de direction.

-Réponds-moi.

-Je ne sais pas. J’étais bouleversée. J’essayais d’être ce que tu voulais, j’essayais de gérer la douleur et ça m’est sorti de l’esprit. Tu comprends… j’ai oublié, je chuchote, honteuse, en haussant les épaules en guise d’excuse.

Nous aurions peut-être pu nous épargner tout ce chagrin.

-Tu as oublié !

Horrifié, le regard noir, il s’agrippe des deux mains à la table. Je me flétris devant lui.

Merde ! Le voilà de nouveau en colère. Ma déesse intérieure me lance, elle aussi, un regard plein de rancœur. Voilà, tu as gagné !

-Comment puis-je te faire confiance ? (Il parle d’une voix basse.)

Eh oui, même la déesse intérieure, qu’elle qualifie aussi parfois de subconscient, le bout obsédé et censé être séducteur de son esprit (rappelons que cette chère Ana était vierge il y a vingt jours, hein, et que le « grand amour de sa vie » a duré trois semaines), elle-même, donc, lui en veut de… euh, ben, d’avoir eu mal, apparemment.

Mais bon, Christian a raison de s’énerver : après tout, elle a un jour dit qu’elle ne le quitterait jamais !

-Tu m’avais dit que tu ne partirais jamais. Et pourtant, au premier coup dur [NdLexane: huhuhu], tu claques la porte.

-Quand ai-je dit que je ne partirais jamais ?

-Dans ton sommeil. Je n’ai jamais entendu de parole aussi rassurante, Anastasia. Ça m’a permis de me détendre.

Ah oui. D’accord. C’est vrai que c’est une bonne idée de citer les paroles d’une fille inconsciente pour la rassurer sur la solidité de votre relation, Christian, belle initiative. Et là, le sexologue (c’est Ana qui l’appelle « mon expert du sexe », je n’ai rien à voir avec cette histoire) l’invite à une petite fête. Résultat, quelques heures plus tard, quand elle lui demande s’ils vont rentrer en hélicoptère à l’appartement :

-Non, je me doutais que j’allais boire. Taylor vient nous chercher. Comme ça, je t’aurai pendant plusieurs heures pour moi seul dans la voiture. Que pourrons-nous faire d’autre à part discuter ?

Je sais pas, Christian. Je ne m’attarderai ni sur ce qui ressemble beaucoup à une séquestration, ni sur la grammaire hautement douteuse de ta phrase. Mais que pourriez-vous donc bien faire d’autre à part discuter, pendant plusieurs heures seuls sur la banquette arrière d’une voiture ? Un indice pour ceux qui nous regardent à la maison :

sex

Mais voilà, Christian est une de ces personnes qui ne peut pas s’empêcher de tout contrôler. Il l’a dit environ 800 fois dans le premier tome, et il ne lâchera pas l’affaire si facilement, le bougre. Simplement, il ne sait pas si Anastasia peut subir à nouveau ses délires pas BDSM du tout. Du coup, il lui demande, parce qu’il a bien vu qu’elle était capable d’imposer ses choix et de décider de ce qui est bon pour elle.

-Laisse moi tout d’abord te poser une question. Souhaites-tu une relation amoureuse normale, sans aucune baise perverse ?

Je suis stupéfaite.

-Baise perverse ?

-Oui, baise perverse.

Pitié, arrêtez de parler de baise perverse.

-Je ne veux pas de règles.

-Aucune ?

-Aucune règle.

Je secoue la tête, le coeur au bord de l’explosion. Où veut-il en venir ?

Je dirais que le plus efficace est la ménopause, et le plus rapide de tomber enceinte. Bien sûr, tu peux aussi enchaîner tes plaquettes de pilules. Un implant contraceptif, enfin, peut aussi avoir cet effet chez certaines femmes.

Et qu’est-ce que c’est que cette manie de se répéter les uns les autres ?

Christian, pour finir de se faire pardonner, offre un mixtape (oui) à Anastasia. Petite touche originale du multimilliardaire : la mixtape est en fait une playlist iTunes sur un iPad. Donc oui, il offre un iPad à sa copine. C’est là qu’arrive un de mes moments préférés de la trilogie Fifty Shades of Grey. Anastasia est diplômée de la fac en littérature anglaise, a donc une vingtaine d’années (21 si mes souvenirs sont bons). Elle a même un téléphone – j’allais dire smartphone, mais c’est un Blackberry et j’ai peur de vexer les vrais smartphones des environs. Pour la première fois, elle allume son iPad. Et là, révélation.

D’un glissement du doigt, je fais défiler les icônes et de nouvelles apparaissent sur l’écran suivant. Des applications Kindle, iBooks, Word, sans que je sache à quoi elles correspondent.

WORD.

Jack What?

On n’entendra plus jamais parler de l’iPad pour le tome et 3/4 à venir. Par contre, Anastasia va échanger des mails (sur Blackberry) très excitants avec son cher Christian Grey, pendant qu’elle est au travail. Voilà mon préféré.

De : Christian Grey

Objet : Tes pouces

Date : 10 juin 2011 16:15

À : Anastasia Steele

Tu aurais dû accepter de travailler pour moi.

Tu ne te tournerais pas les pouces.

Je suis certain que je pourrais leur trouver un meilleur usage.

En fait, toute une série de possibilités me vient à l’esprit…

Si ça ne vous dérange pas, je vais me passer de commentaire pour cet extrait. N’oubliez pas que vous avez la possibilité de me verser une somme de votre choix via Paypal ou par virement bancaire (je vous enverrai mon RIB avec plaisir) afin de participer au règlement des séances de thérapie post-traumatique que je compte suivre après ces dizaines d’heures de torture.

Pendant ce temps, Christian et Anastasia ont ENFIN compris à quoi sert vraiment une banquette arrière :

Christian se glisse à côté de moi et prend ma main dont il embrasse doucement le bout des doigts.

-Bonsoir, me dit-il gentiment.

Mes joues rosissent. Je sais que Taylor peut nous entendre et je suis satisfaite qu’il ne voie pas l’effet torride, à enflammer ma petite culotte, que Christian a sur moi. Je fais appel à toute la maîtrise dont je suis capable pour ne pas immédiatement bondir sur lui, à l’arrière de la voiture.

Oh, l’arrière de la voiture… Mmm.

-Bonsoir, je soupire, la bouche sèche.

Manque de bol, il s’avère que Christian a acheté (!) la maison d’édition où Ana a trouvé un travail (oui oui, pendant leur rupture de cinq jours, deux semaines après qu’elle a obtenu sa licence de lettres modernes) (!!) parce que son supérieur direct la harcèle sexuellement (!!!). Ana n’est pas contente, et je dois admettre que si mon copain savait que mon supérieur me menaçait pour que je couche avec lui, je préférerais moi aussi qu’il appelle la police ou qu’il me laisse contacter le département RH plutôt que de donner un nouveau nom à l’entreprise où je travaille. Résultat :

Christian s’apprête à parler puis se ravise. Il me lance un coup d’œil menaçant auquel je réponds par un regard noir.

Mon Dieu, quelle tension insupportable. Christian se justifie.

Premièrement, ça fait un moment que je ne t’ai pas baisée – j’ai même l’impression que ça fait une éternité -, et deuxièmement, je voulais me lancer dans l’édition.

Ah oui, ça c’est de l’argumentation solide et articulée. Ana étant ce qu’elle est, elle tombe sous le charme de Christian, lui dit qu’il a eu raison, et rentre chez lui pour une bonne partie de jambes en l’air.

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Fidèle à ses habitudes, le psychopathe lui interdit de le toucher tant qu’elle n’aura pas mangé (je suis prête à parier que si EL James pesait dix kilos de moins, elle n’insisterait pas une page sur deux sur le fait qu’il veut qu’elle mange plus alors qu’Ana n’est JAMAIS décrite comme maigre – mais loin de moi l’attaque ad hominem, j’ai bien assez de matière avec le roman, merci).

-Je crois qu’on mangera plus tard, dit-il. Remets le poulet dans le réfrigérateur.

Jamais je n’aurais imaginé Christian Grey prononcer une telle phrase et il n’y a que lui pour la dire de manière aussi sexy. Les mains tremblantes, je couvre d’une assiette le saladier contenant les morceaux de poulet et je le range au réfrigérateur. Quand je me retourne, Christian est à côté de moi.

Le poulet, c’est trop sexy, la téléportation aussi. Ana, émerveillée par les talents de son petit ami, se laisse entraîner vers la chambre. Alors qu’on va pas se mentir, ce poulet avait l’air fichtrement bon. Mais voilà, on en est bien au quart du bouquin et SCÈNE DE SEXE ! C’est pas trop tôt, pour un bouquin qui se dit pornographique.

Oh, il ne fait pas de quartier. Mal à l’aise, je désigne rapidement le sommet de mes cuisses et il a un petit sourire vicieux. Je ferme les paupières, mortifiée, mais en même temps mon excitation est à son comble.

-Avec plaisir, glousse-t-il.

Il m’embrasse et sa langue se déchaîne, cette langue experte qui me donne tant de plaisir. Je grogne en serrant le poing dans ses cheveux. Il n’arrête pas, sa langue qui encercle mon clitoris me rend folle, il continue encore et encore, tout autour, il tourne. Ahh… ça fait si… longtemps… ? Oh…

CINQ JOURS, Anastasia. CINQ JOURS. (Et si vous n’avez pas lu « il continue encore et encore » en prenant un accent du Sud, félicitations, j’ai pas réussi. C’est que le début, d’accord, d’accord.)

Niveau d’excitation :

Et immédiatement après ça, Anastasia en redemande, s’interrompant dans la confection de sa salade au poulet qui, décidément, ne mérite pas qu’on l’ignore ainsi.

Les yeux fixés sur les poils dépassant du V de sa chemise, je me mords la lèvre, vulnérable, assujettie au désir. Je veux le goûter en cet endroit.

Nous découvrirons bientôt que Christian cache un lourd secret : il s’appelle en fait Jacky et s’adonne à des soirées tuning d’hélicoptère hebdomadaires avec ses potes.

Quelques pages plus tard, le sexe est terminé, et Anastasia jongle avec… euh, le placement de produit, surtout.

Allongée sur le lit, je regarde mon Mac, mon iPad et mon BlackBerry. Je suis noyée sous la technologie. Je décide de transférer la liste de musique de Christian de mon iPad à mon Mac puis je me connecte à Google.

Mais non content de lui offrir un iPad dont elle se sert pour la deuxième fois (et la dernière si mes souvenirs sont bons), Christian fait un autre superbe cadeau à sa copine :

Il me tend un tube de rouge à lèvres.

Je fronce les sourcils. Il est d’un rouge salope, pas du tout ma couleur.

Passe-le moi, Ana, j’adore le rouge salope, ça me va super bien au teint.

S’ensuit une scène de sexe (mais pas une scène de sexe salope, c’est pas du tout elle ; non, plutôt une scène de sexe estampillée « baise perverse »). Dans ce paragraphe, on découvre qu’Anastasia est en réalité un chiot.

Je couine d’un ravissement puéril et me catapulte dans ses bras en l’aplatissant sur le lit. Il se tord en laissant échapper un éclat de rire enfantin empli de soulagement, maintenant que l’épreuve est passée. Je finis allongée sous lui dans le lit.

Heureusement, Christian a l’habitude de coucher avec des chiens, puisqu’il l’encourage dans cette voie sans montrer la moindre hésitation :

-C’est ça, bébé, sens-moi, dit-il d’une voix tendue.

Vous êtes encore là ?

Stefon Thank You

Moi aussi, mais je le regrette à chaque instant. Allez, on enchaîne. Cette fois, on reparle de la madame qui a abusé de Christian quand il était adolescent, l’initiant au BDSM et lui faisant découvrir les choses de l’amour. Anastasia ne l’aime pas trop – et par « ne l’aime pas trop », je veux dire qu’elle lui souhaite de mourir dans d’atroce souffrances. Heureusement, Christian sait bien se justifier, et parvient comme toujours à ne pas tout ramener à lui. Je déconne.

-Tu vois rouge dès que je mentionne son nom. Mon passé m’appartient. C’est un fait. Je ne peux pas le changer. J’ai de la chance que tu n’en aies pas, parce que cela me rendrait fou.

Oui, on en est à un point où même les personnages admettent que les autres personnages sont mal écrits. Pendant ce temps, Anastasia essaie de mettre de l’ordre dans ses pensées.

Une centaine d’images dansent (sic) dans ma tête : l’iPad, le planeur, le fait qu’il prenne l’avion pour me voir, ses réactions, sa possessivité, cent mille dollars pour une danse. C’est de l’amour ?

À mon humble avis, ça ressemble plus à de la prostitution. Mais la découverte du monde du luxe par cette chère Anastasia n’est pas encore terminée : elle n’a toujours visité de toilettes mobiles à dix mille balles.

-Je t’accompagne aux toilettes afin que personne ne t’intercepte cette fois.

Nous traversons la pelouse vers les toilettes mobiles. Mia dit qu’elles ont été livrées pour l’occasion, mais je n’avais aucune idée de ce que ce type d’équipement existait en version de luxe.

-Je t’attends ici, bébé, me murmure-t-il.

À mon retour, mon humeur s’est adoucie.

Et à son retour, elle a un rendez-vous chez la gynéco (organisé par Christian « je déteste les préservatifs » Grey) qui lui passe un savon parce que cette gourde a arrêté la pilule pendant leurs 5 jours de séparation. Un test de grossesse plus tard, tout va bien.

-Ma réaction ? Eh bien, naturellement, je suis soulagé… Ce serait le summum de la négligence et des mauvaises manières de te mettre en cloque.

On enchaîne sur un petit point « c’est pas très Charlie tout ça ».

Franchement, tout ça n’est pas très Cinquante Nuances.

S’ensuit une superbe conversation, qui illustre si bien la qualité de cette trilogie à mes yeux.

-Qui chante ?

-Eva Cassidy.

-Elle a une jolie voix.

-En effet, elle avait.

-Oh.

-Elle est morte jeune.

-Oh.

-Tu as faim ? Tu n’as pas fini ton petit déjeuner.

Il me jette un coup d’oeil rapide avec un petit air désapprobateur.

Oh, oh.

-Oui.

-Alors allons manger d’abord.

C’était gênant, trop long, terriblement creux et mal écrit ? Oui, vous lisez bien Fifty Shades of Grey. Heureusement, une scène de sexe suit.

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je jappe en riant

Non, désolée, j’ai toujours autant de mal à me sentir émoustillée. Histoire de remettre une petite couche de malaise, le paragraphe suivant se veut sexy et sensuel :

Tous mes poils sont au garde-à-vous.

Un peu plus tard, on assiste à un des moments les plus désagréables de la trilogie, à mon humble avis :

-Tu ne dois pas sortir d’ici seule. Tu comprends ? lance-t-il d’un ton sec.

-D’accord.

Seigneur, calme-toi. Mais ce comportement me fait sourire. J’ai envie de me rassurer – cet homme est si dominateur et brusque avec moi, je sais. Je m’émerveille du fait que, s’il m’avait parlé de la sorte, une semaine plus tôt, j’aurais trouvé son attitude menaçante. Aujourd’hui je le comprends tellement mieux. C’est sa stratégie d’adaptation. Il est stressé à cause de Leila, il m’aime et il veut me protéger.

Messieurs, prenez-en note : si vous voulez interdire à Madame de sortir, assurez-vous bien qu’elle ait compris que c’est parce que vous l’aimez. Sinon, c’est menaçant.

Mais attendez, j’ai mieux dans le genre séquestration :

-Je ne veux pas que tu ailles travailler.

Quoi ?

-C’est ridicule, Christian. Je dois aller travailler.

-Non.

-J’ai un tout nouvel emploi, qui me plaît. Bien sûr qu’il faut que j’y aille.

Mais qu’est-ce qu’il veut dire ?

-Non, répète-t-il en haussant le ton.

On remarquera que pas un instant, la gourde ne se dit « tiens, c’est pas normal que mon copain veuille m’interdire d’aller au travail, je suis censée être une femme adulte, libre et mature ». Non, le meilleur argument qu’elle trouve est « mais j’aime mon travail ». Bon, très bien.

D’un autre côté, si j’avais un copain comme Christian Grey, je ne serais pas rassurée non plus. Le mec est tellement fort qu’il arrive à mettre du gras dans les titres de ses mails.

De : Christian Grey

Objet : QUOI ?

Date : 13 juin 2011 09:21

À : Anastasia Steele

Heureusement, ce qui fait la beauté de Fifty Shades of Grey, c’est qu’E.L. James sait vraiment ce qui plaît à ses lecteurs.

De l’abus de pouvoir.

-Tu m’as assuré que tu ne sortirais pas, m’interrompt Christian d’une voix glaciale.

Mon coeur se serre pour la millionième fois de la journée. Merde. Comment l’a-t-il su ?

-Jack m’a envoyée lui chercher à déjeuner. Je ne pouvais pas refuser. Tu me fais surveiller ?

(…)

-Christian, je t’en prie, tu es…

M. Cinquante Nuances.

-…Tu es tellement étouffant.

-Étouffant ? murmure-t-il, surpris.

Tout ceci n’empêchera bien sûr pas monsieur Christian Grey, romantique héros de la romantique trilogie des cinquantes nuances, de proposer à Ana d’habiter chez lui. Oui, ils sont ensemble depuis deux semaines et demi, et alors ? L’amour n’attend pas. Mais Ana hésite, pour des raisons tout à fait valables.

Ai-je vraiment envie d’emménager chez lui ? Je ne sais même pas s’il préférerait une tasse de café ou de thé pendant qu’il travaille.

Et c’est là qu’une ex de Christian surgit. Nous l’appellerons Gollum, pour une identification plus facile.

Pourquoi le Maître nous aime-t-il ainsi ? Cela me fait penser à quelque chose… quelque chose… Le Maître est sombre… Le Maître est un homme sombre, mais je l’aime.

Oui, c’est toujours aussi glauque. Et ça continue, bien sûr.

-Je suis un sadique, Ana. J’aime fouetter des petites brunes comme toi parce que vous ressemblez toutes à la pute camée, ma mère naturelle.

Glauque, vous disais-je. Et histoire de bien vous rendre mal à l’aise, Christian est terrifié à l’idée qu’Ana le quitte après cette révélation (on se demande pourquoi), et elle le rassure : « Oh, bon sang, non ! Je ne m’en vais pas ! » Elle s’emporte :

-Que dois-je faire pour te faire comprendre que je ne vais pas m’enfuir ? Qu’est-ce qu’il faut que je te dise ?

Il me visage, à nouveau gagné par l’angoisse et la peur, déglutit :

-Il y a une chose que tu peux faire.

-Quoi ? dis-je d’un ton sec.

-Épouse-moi.

Et au grand « non ! » écœuré qui a franchi mes lèvres en lisant ça, j’ai constaté avec terreur que ce roman ne me laissait pas autant de marbre que ce que je croyais. Je ressens donc bien des choses en le lisant – de l’horreur et du désespoir, principalement. En même temps, s’il se passait tout ça pendant les 3 semaines dont cinq jours de séparations que je passais avec un mec, je ressentirais probablement la même chose.

Anastasia ne répond pas.

Vous commenciez à vous ennuyer ? EL James aussi, apparemment, donc elle a décidé de rajouter des trucs marrants dans l’histoire. Et donc, pour rajouter un peu d’action, elle n’a apparemment rien trouvé de mieux que la pire séquence de tentative-de-viol-par-le-supérieur-hiérarchique de l’histoire de la littérature.

-Tu es une telle cul-serré, une repousse-bite, une allumeuse, tu le sais, Ana, murmure-t-il entre ses dents.

Ah ouais, d’accord. Heureusement, deux pages plus tard (pour ceux qui s’inquiéteraient, la pure Ana est toujours aussi pure, et le méchant-pas-beau à l’hôpital et certainement incapable de produire une descendance), SCÈNE DE SEXE !

-Aaah ! s’étrangle-t-il.

Ou peut-être scène d’assassinat, je suis un peu perdue.

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Soudain, nouvelle révélation : on n’a toujours pas très bien établi si Ana est un chiot ou un chaton, mais Christian est clairement ma maman (et peut-être la vôtre aussi).

-On peut allumer la radio ? dis-je au premier stop.

-Je voudrais que tu te concentres, répond-il sévèrement.

-Christian, je t’en prie, je peux conduire avec de la musique.

Vous aimez le foodporn ? En voilà un très beau spécimen. La scène est au premier degré, mais c’est tellement gros que même au huitième on a encore du mal.

Ne le quittant pas des yeux, je prends l’asperge dans ma bouche et j’en suce doucement… délicatement… la tête. La sauce hollandaise me fait saliver. Je mords dans le légume en gémissant tranquillement de plaisir.

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C’est d’ailleurs le repas d’anniversaire de Christian, et Ana lui offre… un porte-clés. Way to go pour un millionnaire. Mais attention, ce n’est pas n’importe quel porte-clés.

Ses yeux gris s’écarquillent d’émerveillement et de joie, puis se plantent dans les miens. Il entrouvre les lèvres, incrédule.

Le mot OUI clignote au dos du porte-clés.

-Joyeux anniversaire, dis-je tout bas.

Je note la tactique : faire mariner la demande en mariage de mon futur copain jusqu’au jour de son anniversaire permet de ne pas avoir à acheter de cadeau potable. D’ailleurs, c’est tout à fait assumé par notre « héroïne » :

-C’est génial. Le plus beau cadeau d’anniversaire que j’aie jamais eu, dit-il avec un regard doux et enthousiaste. Mieux que mon poster dédicacé de Giuseppe DeNatale.

-Je te l’aurais dit plus tôt, mais puisque c’était ton anniversaire… Que peut-on offrir à l’homme qui a déjà tout ? J’ai pensé que j’allais t’offrir… moi.

S’ensuit une scène de sexe. Ben oui.

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Mais au milieu de leurs ébats, soudain, Christian a une révélation.

Les yeux brûlants de Christian se rivent soudain aux miens. Il vient de se rappeler quelque chose.

-On est samedi ! s’exclame-t-il.

Et là, c’est bon, c’est le dernier moment digne d’intérêt du deuxième tome.

Et on passe à Cinquante Nuances plus claires, wouhou.

Dans le troisième tome, Ana et Christian sont en pleine lune de miel. Ils sont allés en France et ont même rencontré des Français typiques :

Plusieurs vacanciers nous observent avec cette expression à la fois intéressée et perplexe, typique des Français

Je dois admettre que je suis en effet perplexe. Intéressée, je sais pas, mais perplexe, ça, carrément, oui.

Ce troisième tome inclut aussi des jolis poèmes :

Anastasia

Tu es mon plus

Mon amour, ma vie

Christian

C’est tellement joli que j’attends avec émotion le collier de nouilles qui va d’habitude avec.

Le troisième tome, c’est aussi des conversations Facebook palpitantes avec la meilleure amie d’Ana.

Ana : Pas sûr. Regarde si je suis en ligne. C’est nul, ces fuseaux horaires !

Kate : Nul. Bisous, Ana.

Ana : Bisous. À plus. x

Kate : À plus. <3

Le troisième tome, c’est des scènes torrides.

Il m’embrasse à travers la dentelle. Ses mots m’ont coupé le souffle ; je me liquéfie. C’est tellement… cochon. Il ramasse mes vêtements et mes sandales avant de se redresser en souplesse.

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Le troisième tome, c’est des sommets de grande littérature jamais atteints auparavant :

J’entends le « pop » d’un bouchon, et le glouglou du vin dans un verre.

Le troisième tome, c’est celui où on penche côté « chaton » pour la nature d’Anastasia.

Je miaule.

Le troisième tome, c’est celui où Christian Grey explore la chambre des secrets d’Anastasia avec un vibromasseur.

-C’est une baguette magique, bébé.

Le troisième tome, c’est celui où on apprend des secrets terribles sur Christian.

Christian relève la tête.

-Ana, je suis né à Detroit.

Le troisième tome, c’est celui où, des fois, Christian est triste.

Le morceau qu’il joue est si triste – une lamentation lugubre que je l’ai déjà entendu jouer. Je m’arrête sur le seuil de la pièce pour l’observer, seul dans une flaque de lumière, tandis qu’une musique d’une tristesse poignante emplit la pièce. Il s’arrête, puis recommence le morceau. Pourquoi un air aussi mélancolique ? Je l’écoute, fascinée. Mais je souffre. Christian, pourquoi es-tu si triste ?

Le troisième tome, c’est celui où le multimilliardaire fait preuve d’une rare décadence.

Nous sommes assis face à face dans la baignoire, tellement pleine que, dès que nous bougeons, l’eau déborde. Quelle décadence…

Dans le troisième tome, les gardes du corps brillent par leur incroyable compétence.

Sawyer revient avec un gobelet en carton plein d’eau chaude et un sachet de thé. Il sait comment je prends mon thé !

Dans le troisième tome, plus de sexe que jamais.

-Titille-toi.

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Dans le troisième tome, il y a une obsession un peu étrange pour l’urine (ça s’accorde bien avec l’histoire de merde, vous me direz).

-Mais quel pervers, celui-là ! Dehors. Je ne veux pas que tu me regardes faire pipi.

puis

-Assieds-toi avant de tomber, m’ordonne-t-il en me soutenant.

Je m’asseois prudemment sur les w-c.

-Va-t’en.

J’agite la main pour le chasser.

-Non. Fais pipi, Ana.

Plus gênée, ce serait impossible.

-Non, je ne peux pas, pas devant toi.

Dans le troisième tome, il y a un beau sens des priorités.

J’ai trop faim pour continuer à draguer mon mari.

Et surtout, dans le tome 3, il y a un dernier moment d’horreur. Après avoir terminé l’épilogue, profondément heureuse, je m’apprête à terminer le livre. Quand soudain, une nouvelle. Manifestement écrite par ELJames alors qu’elle n’avait jamais vu d’enfant de cinq ans (ou alors, des enfants très très cons, et un poil racistes).

Maman me laisse toucher le noir et le blanc sur le piano. Noir et blanc. J’aime bien les sons blancs. Les sons noirs ne sont pas aussi jolis. Mais j’aime bien aussi les sons noirs. Je fais blanc noir. Blanc noir. Noir blanc. Blanc, blanc, blanc, blanc. Noir, noir, noir, noir. J’aime bien les sons. J’aime beaucoup, beaucoup ça.

Mais enfin, j’ai terminé la torture (que je me suis infligée volontairement – cette trilogie aurait dû parler de moi, c’eut été bien plus masochiste). Et j’espère que ce petit récapitulatif vous aura fait partager un peu de ma douleur, et quelques-uns de mes fous rires.

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