Un matin, je me suis levé avec la ferme intention de découvrir mon propre pays. C’est une envie que j’ai depuis longtemps – petit, je m’imaginais faire le «tour de France à vélo» (celui qui longe les frontières et les plages). Elle a continué, surtout pendant les confinements successifs de 2020 et 2021 qui m’ont un peu dégoûté du voyage international, et pendant ma vie normale de 2022 qui m’a (re-)donné l’amour du train.
Alors j’ai décidé de découvrir la France avec deux lancers de dés et un budget train à peu près solide. Les règles :
- Quand j’ai envie, je m’organise pour un week-end ; pas de fréquence imposée, chaque voyage est l’occasion de me faire plaisir
- Une ou deux nuits sur place en fonction de la durée du trajet
- Je tire au sort un département, j’y choisis une ville à visiter – à moins de déjà bien connaître le département ou d’avoir entendu parler d’un lieu spécial à visiter, ce sera donc la ville principale du coin, souvent la préfecture.
- Je peux regarder des ressources locales, mais pas de programme fixe : l’idée, c’est de me laisser porter par la ville.
En janvier 2023, j’ai décidé de tenter le coup pour la première fois et ai lancé mes dés. J’ai tiré un 79, donc les Deux-Sèvres, un bout de France que je ne connais pas du tout (je crois que le plus proche que j’aie visité, c’est la Corrèze…) ; je vous raconte donc des morceaux choisis de mon week-end, passé début février à Niort.
Le trajet vers Niort
Je me lève à six heures après une insomnie des enfers qui laisse bien présager que je serai en galère toute la journée. On adore. En ce moment, je suis à Paris, donc au moins la logistique est simple : TGV direct pour Niort depuis la gare Montparnasse, ça sera plié en deux heures et demie. Le train est à l’heure, moi aussi, je suis absolument épuisé avant même de m’être assis.
J’arrive donc déjà épuisé dans le train. J’ai pris une place en première classe et je m’en félicite, je vais pouvoir dormir, me dis-je innocemment. La désillusion arrive vite, sous la forme d’un groupe de trentenaires. Stan Smith pour les femelles, pull en laine ouvert sur la chemise pour les mâles, certainement des Parisiens. Ils sont six. Mes bouchons d’oreilles ne peuvent plus rien pour moi. Trois minutes exactement après le départ, le train passe devant l’appartement de mon ex.
Les étoiles sont alignées, l’univers m’encourage à aller hurler dans le néant marais poitevin, parfait.
9h29 : les trentenaires débattent d’investissement immobilier. La trentaine me guette aussi : sept minutes que j’essaie de trouver une position décente pour dormir et que l’intersyndicale de mes vertèbres mène les négociations.
Une heure plus tard, les bâtiments sont gris, le ciel assorti. Je revois mon programme : aujourd’hui, promenade en ville, demain la nature et le musée local (en plus, on sera le premier dimanche du mois). Rapidement, la ville morose laisse la place à un paysage bucolique : un canal, des champs, des petites fermes. Et j’arrive à Niort.
Le PMU de la gare ne s’appelle pas le PMU de la gare, mais je surmonte ma déception pour apprécier les alentours. La gare est jolie, bien que cernée de travaux. On est dans une région française de thèmes « gros blocs beiges », personnellement j’adore, même si je galère à trouver la 4G. Depuis la grande rue, qui ne s’appelle probablement pas la grande rue parce que tout se perd, j’aperçois plusieurs clochers que j’irai voir de plus près dès que j’aurai posé mes affaires.
Toujours sur la grande rue, qui s’appelle après vérification rue de la gare parce qu’il quelques choses ne se perdent pas, je vous d’autres jolis bâtiments. Je tourne à droite et..
Je n’ai malheureusement rien de mieux à vous proposer sur mes émotions que les notes prises sur le vol, c’est-à-dire, je cite, «elle est si belle je meurent».
J’aime marcher, et j’ai l’habitude de me déplacer partout à pied, mais un coup d’oeil rapide m’indique que dans l’agglomération, tous les transports en commun sont gratuits et on peut prendre un vélo en libre-service pour 3 centimes par minute (ou moins avec un abonnement, pour un séjour plus long). Mais d’abord, une sieste s’impose.
Je discute avec le très sympathique employé de mon hôtel, à qui je demande quelques suggestions d’endroits à visiter : «Pour les coins sympa c’est facile, vous suivez les dragons», m’indique-t-il gentiment. Je n’avais prévu d’être autant dépaysé. À 13h30, m’étant fait refouler d’à peu près tous les endroits visités parce que « on sert plus à manger à cette heure-ci », je m’approche en désespoir de cause d’une devanture pas très enthousiasmante. Et derrière moi, une voix : « Ouhla, mangez pas ici c’est dégueulasse. Essayez à côté plutôt ! » Parfois, avoir une dégaine de gros touriste rend service ; merci, gentil inconnu à la guitare !
Au B Pub, qui ne paie franchement pas de mine (la carte «poutine/welsh» n’est pas le plan marketing du siècle), je prends une salade Deux Sèvres, le seul point du menu qui arrive au moins à faire semblant d’être local. Et elle est gigantesque et délicieuse, et les frites sont divines, et une de mes chansons préférées résonne dans le restaurant, et je suis heureux et prêt à commencer mes aventures.
En suivant les dragons.
Samedi après-midi à Niort
J’ai téléchargé une trace GPX qui traverse la ville ; elle nécessite de garder mon téléphone à la main en permanence, c’est un peu dommage, mais elle me présente les points essentiels de la ville et me permet de faire une super petite balade. La trace s’appelle « le tour de Niort en 80 minutes » ; comme je m’arrête à plusieurs endroits, elle finit par m’occuper pour l’après-midi.
Cette ville n’est pas touristique et on s’en rend vite compte : Grenoblois, puis Lyonnais, puis Parisien, puis Grenoblois, ça ne m’est pas arrivé souvent de me déambuler dans des rues sans y croiser de panneaux explicatifs de tout et n’importe quoi. Heureusement, le site de l’office de tourisme (voir la trace plus haut) me présente tous les lieux marquants et leur histoire.
J’atterris finalement au donjon, un bâtiment que je qualifierai poétiquement de «gros machin très chonk». Si vous avez l’occasion de le visiter, faites-le ! C’est sûrement mieux en connaissant un peu l’histoire de la région, qui est très peu expliquée et part du principe qu’on maîtrise au moins le contexte local, mais à part cette petite hésitation, j’ai beaucoup apprécié ma visite. Ni souvenirs très clairs, ni photos puisque j’essayais de me concentrer sur l’intérieur du musée, mais de mémoire, j’ai beaucoup aimé toute la section sur les arts domestiques et les meubles locaux, ainsi bien sûr que la vue magnifique depuis le toit. L’audioguide était aussi très bien conçu, même si j’ai regretté l’absence d’une alternative écrite plus adaptée à mon rythme.
J’avais prévu de manger «local», et n’ai pas trouvé grand-chose. Du coup, ayant un budget un peu plus large que prévu pour mon week-end, je me suis offert un menu 100% ingrédients locaux au restaurant Plaisirs des sens, qui porte très bien son nom. C’était délicieux, copieux, le personnel était sympathique, bref, le rêve.
Dimanche à Niort
Nous arrivons au dimanche, deuxième et dernier jour sur place. Là, j’ai un souci : je voulais visiter le marais poitevin, mais l’offre de transports en commun du dimanche est, euh… insuffisante. Elle existe, mais une visite d’une heure du marais m’en prendrait cinq en comptant l’aller-retour, avec un bus toutes les deux heures.
J’adapte comme je peux mon programme pour aujourd’hui : le musée Bernard d’Agesci (le plus gros musée local, de ce que je comprends), un pique-nique sur les bords de la Sèvre à défaut de dessus, et trouver de l’angélique confite. Ce qui implique de trouver un endroit ouvert le dimanche qui vend aussi de l’angélique confite. Mon train retour est un peu après 19h, ce qui me donnera bien le temps de profiter de ma journée ; j’ai même peur qu’elle soit trop longue, si tout est fermé.
Mais me voilà vite rassuré : je sors de l’hôtel, me balade un peu, et me retrouve sur une place du marché bondée. Un homme joue de la guitare, des douces odeurs me viennent d’un stand de nourriture brésilienne. D’un étalage à l’autre, je découvre une marchande d’épices et de fruits confits. J’achète enfin la fameuse angélique confite. Trois minutes plus tard, j’ai goûté, j’y retourne pour en racheter le triple.
Mes emplettes terminées, je me chope un vélo électrique et pars découvrir les environs. L’occasion de me balader de quartier en quartier pendant quelques heures (et de croiser le chemin de quelques automobilistes soit pas très habitués à partager la chaussée, soit vraiment très stressés pour un dimanche). La ville est dense, pas bien plate, et je n’y ai pas trouvé de point de vue qui englobe tout le paysage (sauf le haut du donjon), alors je me promène pour voir ce que j’ai raté, et je découvre un coin de verdure et des jolies maisons, et surtout un nombre impressionnant de jolies églises.
La balade à vélo allant naturellement bien plus vite que celle prévue à pied, même avec tous les nouveaux détours que j’invente, j’ai encore une demi-heure à tuer avant l’ouverture du musée. Heureusement que j’ai bien compris le principe de ma ville à ce stade : je me dirige vers le clocher le plus proche. Continuant tout droit je découvre le Palais mondial des clowns, qui est un truc qui existe, apparemment, puis je me trouve un banc où je m’affale, les pieds en compote, abandonnant là ma fidèle monture.
Vingt minutes plus tard, le musée est ouvert et je m’y engouffre enfin ! Au rez-de-chaussée, je commence par l’exposition « tous au musée ». Après ça, l’exposition temporaire, qui suit l’œuvre d’un artiste local du dix-neuvième siècle et intègre ses œuvres et sa vie à l’histoire locale : enfin une introduction, j’aurais dû commencer par là !
Au sein du musée, on distingue plusieurs types d’expositions : celles, très didactiques, comme la collection d’histoire de l’éducation, et celles peu guidées. Certaines zones sont expliquées en détail, et pour d’autres, ce sont les objets qui attirent le regard, pas leur signification. J’ai l’occasion de faire tourner une manivelle qui génère de l’électricité statique, ce qui me remplit de satisfaction.
Enfin, l’heure vient : je retourne à la gare, je sors mon livre de mon sac pour la première fois du week-end, je bouquine dans la salle d’attente alors que la nuit tombe. Le train arrive et me ramène chez moi, où je m’effondre au lit, la tête pleine de clochers et de jolis paysages. J’ai hâte de recommencer !
Et pour la prochaine fois ?
De cette première expérience de «week-end au hasard», je note :
- Partir tôt le matin, c’est un peu crevant, mais si je peux dormir dans le train ou taper une micro sieste à l’hôtel ça le fait
- Le dimanche, y’a pas forcément grand-chose à faire, donc je peux probablement prendre un train retour un peu plus tôt, ou alors partir le vendredi & samedi plutôt que le week-end pour éviter la «journée morte», ou alors simplement être suffisamment en forme pour marcher toute la journée
- S’il y a un «musée de la région», j’y vais en premier pour avoir du contexte sur l’histoire locale, parce que les musées plus spécialisés ne prennent pas forcément le temps d’expliquer
@Alex oups toutes les images étaient cassées, c'est réparé maintenant ! 🙂