Quelques notes personnelles, en français, sur cette vidéo en anglais.
En bref : Au lieu de se perdre en grands débats, faisons plein de petits groupes dédiés à des objectifs précis et permettons-leur de travailler ensemble.
La gauche devrait avoir un mélange sain d’électoralisme et d’action directe. Elle est extrêmement divisée, et on ne peut pas s’unir parfaitement, mais c’est pas grave : on peut quand même créer des plateformes qui nous permettraient de ne pas se cannibaliser, et de pouvoir au moins avancer ensemble.
Les plateformes permettent de construire des organisations qui nous évitent de nous battre en permanence dans le cadre de débats improductifs. Les associations sont débordées par les personnes apolitiques (centristes, souvent) qui ont bien compris qu’on les exploite et ne savent pas trop quoi en faire : si elles voient la désunion des gauches en permanence, c’est extrêmement contre-productif, et on ferait mieux de gérer nos désaccords différemment : par exemple, avec des plateformes.
Définition de la plateforme
Le plateformisme est né pendant la guerre civile russe, parce que les anarchistes avaient besoin de travailler avec les syndicalistes. La plateforme était un document qui présentait tout ce que les groupes avaient en commun et toutes les idées sur lesquelles tout le monde était d’accord.
L’idée clé, c’est qu’on a un ensemble de principes fondateurs et qu’il faut que les gens s’y plient. Pour ça, on passe par 4 principes clés.
Une unité théorique
Tout le monde au sein du groupe est d’accord sur certains concepts : il faut être propriétaire des moyens de production et le concept d’État n’a pas lieu d’être par exemple.
Ces principes ne sont pas forcément traduits immédiatement dans les objectifs : une association d’aide aux SDF se fout un peu de qui est propriétaire des moyens de production, elle a surtout besoin qu’ils aient à manger demain. Mais si elle n’est pas en désaccord avec l’idée théorique, alors tout va bien.
Les plateformes peuvent avoir des principes aussi restreints que nécessaire ; leur principe c’est de limiter l’adhésion au groupe, donc c’est normal et c’est très bien que tout le monde ne s’y retrouve pas, du moment que les personnes qui adhèrent s’accordent.
Unité tactique
On n’est pas d’accord sur tout et ce n’est pas un problème : nos principes sont ceux de l’association, mais on peut avoir des objectifs communs avec des groupes qui ne partagent pas nos principes. Donc on va avoir un objectif «rendre le concept d’État obsolète» entre anarchistes, mais on pourra travailler avec des marxistes ou des centristes sur l’objectif «Nourrir les SDF» qui est un objectif commun, si la tactique pour les nourrir est aussi commune.
Responsabilité collective
En général, quand on crée des partenariats entre différentes organisations, on parle de travail et de projets et on socialise peu. Du coup, ça se passe plutôt bien : on a un objectif commun et on ne se déchire pas trop sur les opinions de chaque personne, parce qu’on n’en discute pas.
Cela donne aussi une importance énorme au travail lui-même : le travail que je fournis personnellement donne une image du groupe entier auquel j’appartiens. Il est donc essentiel de faire passer le travail avant les individus ; et des fois, ça passe par ne pas soutenir le principe théorique qui nous tient à cœur parce que les autres personnes sur le même objectif et la même tactique ne sont absolument pas d’accord.
Fédéralisme
Des groupes différents, avec des plateformes différentes, peuvent travailler ensemble sur des objectifs. Si un groupe anarchiste nourrit les SDF et un autre les loge, on s’en fout un peu des principes, c’est quand même pertinent de travailler ensemble. Il faut par contre prendre le temps de noter ce sur quoi on est d’accord pour éviter les conflits et travailler plus efficacement ensemble, en se concentrant sur ces points-là.
L’intérêt du plateformisme
Un groupe de 20 à 30 personnes qui a un objectif clair peut atteindre son objectif. Le même groupe qui arrive en disant «j’aimerais soutenir les artistes», ça peut être mille objectifs différents, défendus par une personne chacun, et on n’avancera jamais. Il n’est pas impossible d’avoir une approche globale, mais c’est beaucoup plus facile d’avoir un seul objectif et de travailler avec qui veut sur cet objectif unique.
Dans le cadre du gauchisme révolutionnaire, on a un problème : on veut changer l’intégralité du système, alors comment peut-on se concentrer sur des petits objectifs très précis ? En général, l’échec des projets gauchistes est dû à deux courant au sein d’un groupe de travail : on n’arrive pas à se mettre d’accord sur l’approche à adopter, on se bat, puis tout le monde est saoulé et abandonne peu à peu. Il vaut mieux dire : «va faire ton truc, je fais le mien, et sur ce qu’on a en commun on bossera ensemble de façon fédérée». On prend le temps de discuter de ce qu’on fera ensemble et de ce qu’on fera séparément.
De cette façon, on peut assurer que tout le monde peut s’engager sans la frustration de ne pas être écouté·e, et si un groupe échoue ça ne met pas en danger le projet dans son ensemble. Le problème avec beaucoup d’anciens groupes militants (par exemple les Black Panthers) est que quand la police ou l’extrême-droite les ont vaincus, leur combat a disparu. Avec une plateforme, on a un système beaucoup plus résilient. On évite aussi les débats stériles et répétitifs en proposant une action en dehors de ces débats. Savoir pour qui on va voter aux élections n’a aucune importance au moment de faire de l’action directe ensemble : on peut s’accorder à faire cette action directe en évitant le débat problématique. Et à côté, on peut avoir un parti politique, que les gens vont rejoindre ou non.