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Cultures féminines et féminisme : le soap opera et le nail art

Read Cultures féminines et féminisme by Delphine Chedaleux

Du roman sentimental aux blogs de nail art en passant par le soap opera, de nombreux médias s’adressent explicitement aux femmes. Tout en véhiculant des normes oppressives, ils ouvrent des espaces de réflexion autour de la féminité et des rapports entre les sexes.

En une phrase: La culture populaire féminine présente des contraintes de genre mais permet de les négocier, entre autres parce qu’on n’y retrouve pas le besoin de capital (culturel, social ou économique) des activités des classes moyennes.

Un résumé personnel un peu plus détaillé

La distinction de classe de Pierre Bourdieu a évolué : maintenant, ce n’est plus tant la capacité de connaître une certaine culture, mais le fait de pouvoir jongler entre les registres culturels.

Les hautes classes rejettent certaines pratiques les plus associées aux classes populaires ; de la même façon, les pratiques les plus «féminines» sont aussi dévalorisées. On a donc une idée d’une culture populaire féminine, qui regroupe tout ce qu’on associe aux femmes et au féminin.

Cette culture populaire féminine inclut notamment :

  • la littérature sentimentale : supériorité des valeurs traditionnellement féminines (amour, douceur, intimité) sur les valeurs masculines (pouvoir, contrôle, argent). On les considère comme des dispositifs de naturalisation de la fémininité et de dépolitisation, et donc renforcement, de la masculinité hégémonique.
  • les émissions de télé-réalité de relooking : rhétorique féministe de l’empouvoirement tout en enjoignant à respecter des règles très strictes
  • soap opera : promotion de la famille et exploitation domestique des femmes, qui ne s’épanouissent que dans le contexte de la famille et de l’intime. La temporalité du soap qui repousse perpétuellement la résolution des intrigues fait écho à l’attente quotidienne de la femme au foyer ; la famille est intrinsèquement dysfonctionnelle et toujours au bord de l’éclatement.

Le personnage récurrent de la femme puissante et forcément méchante permet de donner une transgression par procuration aux spectatrices. Leur identification mélodramatique à des personnages est une manière de reconnaître le patriarcat et ses conséquences sur les femmes, sans remettre en cause l’ordre établi. Les spectatrices se plaignent des personnages « geignardes », qui rentrent dans les conventions sociales, et préfèrent les femmes méchantes ou puissantes : le soap opera est un lieu de négociation des normes sociales.

Le capitalisme a absorbé le féminisme des années 2010 très rapidement et facilement, en le neutralisant : l’adhésion au féminisme, c’est maintenant un logo sur un t-shirt.

Chez les classes un peu plus aisées et éduquées, on aura des pratiques féminines comme le nail art : une pratique corporelle de la beauté, mais pas un outil de séduction autant que la coiffure ou le maquillage ; les blogs sont cependant très similaires et normalisés.

Les activités féminines sur Internet construisent et diffusent une féminité hégémonique : blogueuses blanches, hétéro, minces, etc. On y voit cependant des tensions, et les femmes qui se retrouvent autour de ces espaces préfèrent le lien social à la recherche du gain dans les classes populaires, alors que dans les classes moyennes, les loisirs féminins sont utilisés pour accroître un capital culturel, symbolique et social.

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