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Gender Reveal épisode 116 : River Butcher sur la transmasculinité

Ceci est une traduction (à l’arrache) de la transcription de l’épisode 116 de Gender Reveal, où Tuck Woodstock discute avec River Butcher. Vous pouvez trouver la version audio et la transcription originale (en anglais) sur le site de Gender Reveal.

[Musique d’intro de Gender Reveal – Début]

Tuck : Bienvenue sur Gender Reveal, un podcast où si on a de la chance, on aura un jour une vague idée de ce qu’est le genre. Je suis votre présentateur et votre détective du genre préféré, Tuck Woodstock.

[Musique d’intro de Gender Reveal – Fin]

Tuck : Salut tout le monde ! J’espère que vous tenez le coup. Bienvenue dans la neuvième saison du podcast Gender Reveal ! On pourrait croire qu’à ce stade on n’a plus personne à qui parler, mais il s’avère que le lobby trans fait un super travail de contamination sociale. Cette saison s’annonce particulièrement cool, et on la démarre avec une des personnes que vous nous avez le plus réclamées. Vous connaissez sûrement déjà River Butcher pour son travail d’acteur et d’humoriste. Dans cet épisode, River et moi parlons de démêler la masculinité et le patriarcat, de transitionner dans la sphère publique, de faire le lien entre la bisexualité et la gouinesexualité…

River [extrait d’interview] : Lesbienne, c’est aussi culturel, un peu. Tu vois ce que je veux dire ? C’est quasiment une ethnicité.

Tuck : …et bien sûr, Che Diaz. Mais commençons par quelques annonces rapides et cool ! Et d’ailleurs, avant que je dise quoi que ce soit d’autre, la personne qu’on préfère dans l’équipe a quelque chose d’important à nous dire, donc je vais laisser notre producteur·ice prendre la parole.

Ozzy : Salut tout le monde ! Je suis læ podcasteur·ice que vous avez connu·e sous le nom de Jules. J’ai une petite annonce pour vous : j’ai un nouveau prénom ! Donc à partir de maintenant, je serai Ozzy. Est-ce que mon travail pour Gender Reveal m’a rendu tellement trans que ça m’a forcé·e à changer de prénom ? Eh bien, la réponse n’est pas non. Mais ce serait sûrement plus correct de dire que travailler sur ce podcast pendant que je changeais de prénom, ça a beaucoup facilité l’idée d’en parler en public, et aussi de partager la nouvelle avec tout le monde ici. Si vous songez à changer votre prénom à temps pour vivre un printemps super-trans (un concept que je viens d’inventer), n’hésitez pas à considérer ça comme un signe de l’univers qui vous dit de vous lancer. Et maintenant, je vous rends Tuck.

Tuck : Okay, notre boutique non-capitaliste de produits dérivés est en train de remplir ses stocks avec des designs que vous allez adorer, surtout si vous avez envie de vaguement menacer des gens. On a un t-shirt qui dit « No More Cis », un hoodie rose avec des couteaux trans dessus, et un sticker déjà iconique qui encourage les gens à rater les cours et à prendre des hormones, entre autres. Si vous cherchez des produits un peu plus acceptable pour votre famille, on a aussi des t-shirts « Trans Kids are Wonderful » en tailles enfant et adulte, et des très jolis stickers « Protect Trans Kids ». Vous trouverez tout à bit.ly/gendermerch, et comme d’habitude, tous les bénéfices sont reversés à des artistes et associations trans. Bit.ly/gendermerch.
Et en parlant de trucs que vous allez adorer, on a récemment créé un podcast uniquement accessible sur Patreon pour tous nos contenus bonus pour lesquels on n’a pas la place dans le podcast principal, ou qui sont simplement trop chaotiques pour être publiés. On a aussi enregistré notre premier épisode bonus pour Patreon. On va le publier très bientôt, et vous y aurez accès, et à tout le reste, en nous rejoignant sur patreon.com/gender. Et enfin, merci à tout le monde ! On a pu récolter 2600 $ pendant notre campagne de financement de la journée de la visibilité trans, aussi appelée journée de rester à la maison et se faire un petit goûter sympa, et ça fait super plaisir. J’ai envoyé des virements de 100 $ aux plus de 200 personnes qui ont demandé des aides financières, dont ça sera fait d’ici la fin du mois, et pendant ce temps on lance aussi notre programme de bourses de printemps. Eh oui, déjà ! Le temps file quand on est au bord de l’effondrement de la société. Donc, si vous êtes une personne trans non blanche qui fait de l’art ou du militantisme cool, vous pouvez candidater pour une bourse de 500 $ sur bit.ly/topic22. Le formulaire sera ouvert jusqu’au 30 avril. Et pour toutes les autres personnes, aidez-nous à faire passer le mot aux personnes trans non blanches de vos communautés. Et maintenant, passons au Genre de la semaine !

[Le Genre de la semaine – Générique]

Tuck : Allez, c’est parti. Voici la section des actualités de la semaine, et il s’est passé vraiment beaucoup de choses depuis la dernière fois qu’on s’est parlé, et je sais même pas par où commencer. Donc, comme je le fais de temps en temps, j’ai demandé aux camarades de Twitter s’il y avait des choses particulières dont iels voulaient entendre parler, et les gens ont répondu « M’en fous, quelque chose de positif ». Et je vous aime très fort, mais je ne peux pas changer la réalité pour vous, et les actualités du moment… ben, c’est pas très positif. Donc si vous avez entendu parler de nouvelles positives par ou pour des personnes trans, hésitez pas à nous en parler pour les prochaines émissions. En attendant, j’ai essayé de trouver quelque chose.

[Musique]

Tuck : Saviez-vous que notre président extrêmement cisgenre a décidé de commémorer la journée de la visibilité trans en annonçant des vrais changements politiques qui pourraient améliorer la vie des personnes trans ? C’est trop tôt pour dire si ça va effectivement améliorer nos vies, mais c’est mieux que ce à quoi je m’attendais, à savoir, littéralement rien du tout. Pour le contenu du communiqué de presse de la journée de la visibilité trans, j’ai vu pas mal de monde parler d’un aspect en particulier, à savoir que les marqueurs de genre X sont enfin disponibles sur les passeports. C’est une super nouvelle, mais ça n’a rien de nouveau, ça fait des mois qu’on le sait et qu’on en parle. Vous pourrez en savoir plus sur le X sur le passeport sur travel.state.gov/gender, mais on va parler d’autre chose.

Ce à quoi je ne m’attendais pas du tout, par exemple, c’était à ce que le gouvernement Biden essaie de prendre la TSA, à savoir les gens payés pour nous tripoter à l’aéroport, et d’en faire des allié·es de la cause trans. Précisément, le TSA va apparemment changer ses technologies de scan pour qu’elles soient non genrées, probablement dans l’espoir que plus de femmes trans puissent passer le contrôle de sécurité sans se faire signaler pour cause de gros paquet suspect… pardon, pardon. Ces modifications vont s’étaler sur plusieurs mois, mais en attendant, la TSA va apparemment changer ses procédures pour réduire le nombre de fouilles liées au genre tant que les nouveaux scanners ne seront pas en place. Est-ce que ça va marcher ? On verra bien. Pour celleux d’entre vous qui ont acheté le pre-check pour éviter les contrôles de sécurité en question, sachez que la procédure modifiée inclut aussi un retrait des « considérations de genre » lors des contrôles d’identité. Cela doit « éviter les délais inutiles causés par une dissonance entre l’information de genre sur le billet d’avion et la pièce d’identité et/ou l’expression de genre de la personne qui voyage. »

Le gouvernement met aussi à jour le pré-enregistrement pour inclure une option de genre X, et en parlant de marqueur de genre X, le communiqué de presse de Biden à l’occasion de la journée de la visibilité trans est très très long, et beaucoup de son contenu est dédié à l’ajout de X un peu partout. Vous voulez un X sur votre passeport ? Est-ce que vous voulez un X sur votre pass d’entrée pour visiter la Maison Blanche ? Est-ce que vous voulez un X sur le formulaire que vous devez remplir pour saisir la commission de l’égalité des chances en matière d’emploi sur un cas de discrimination au travail ? Bravo ! Vous pouvez maintenant cocher X. Et surtout, la sécurité sociale enlève l’obligation pour les personnes trans de se munir d’une attestation médicale ou d’une décision de justice pour mettre à jour leur genre sur leur carte de sécurité sociale, et ça, je pense que c’est objectivement bien. Elle réfléchit aussi à « des mises à jour envisageables de nos politiques et de nos systèmes » qui permettraient aussi d’avoir un X sur les cartes vitales un jour. Évidemment, si votre genre est effectivement de type X, prenez le temps de décider si vous êtes à l’aise avec le fait de vous lister comme déviant·e de genre à une époque où des législateurs essaient activement d’éradiquer les personnes trans. Personnellement, j’ai du mal à appréhender la question, parce que je n’aime pas l’idée d’un genre non-binaire officiel pour moi, mais j’aime beaucoup l’idée d’un marqueur « ne se prononce pas / qu’est-ce que ça peut vous faire », et c’est quand même souvent exactement ce que le X veut dire.

Si vous voulez voir le communiqué de presse entier, avec tout ce que l’administration Biden affirme avoir fait pour les personnes trans dans la dernière année, on mettra un lien vers ça dans les notes de l’épisode. C’est essentiellement « On a fait un site internet avec des ressources » ou « On a dit aux États d’être un peu moins nuls ». Mais ma ligne préférée, c’est celle où Biden propose un budget 2023 de 10 millions de dollars dédiés à la recherche sur comment inclure des questions sur le genre et l’orientation sexuelle dans le recensement. Vu le climat politique, je pense pas que ça va arriver, mais si ça se fait je pense qu’il faut vraiment qu’on s’arrange pour détourner au moins une partie de ces 10 millions de dollars. Dix millions de dollars ! Pour une question sur un formulaire ! Il faut vraiment que je monte mes tarifs de consulting. Et voilà ! C’était le Genre de la semaine.

[Genre de la semaine – Générique]

Tuck : On a aussi un e-miel pour vous aujourd’hui. Les e-miels, ce sont des petits messages de personnes qui nous écoutent, et ce message-ci dit : « Greyhound Americans est un livre brillant, queer, inclusif, céleste, ancré dans l’âme ancestrale indigène, écrit par la poète primée Moncho Ollin Alvarado, qui y confronte son histoire familiale de politique des frontières etn découvrant une longue lignée de violence, de deuil, de traumatisme et de survie. Elle écrit des poèmes remarquables par leur personnalité, leur tendresse, leur intimité et leur humilité ; leur résilience crée une constellation de chansons, de nourriture, de fleurs, de famille, de communauté, et de joie trans qui vous fait ressentir de l’amour, de la douceur, et vous rappelle la joie de dire “Je suis en vie, je suis en vie, je suis en vie”. Disponible sur monchoalvarado.com, Amazon, et bookshop.org. »

[Musique]

Tuck : River Butcher est humoriste, acteur, écrivain, producteur et joueur de baseball. Iel a joué dans Adam Ruins Everything et Good Trouble, et a joué ses sketches sur Ellen, Conan et HBO. Son nouveau one-man-show, A Different Kind of Dude, est disponible depuis janvier sur le youtube.com de Comedy Central et a reçu des critiques positives. Je vous jure que ça dit « le youtube.com de Comedy Central ».

[Musique – Fin]

Tuck : Bon, on commence toujours un épisode avec la même question. En termes de genre, comment est-ce que tu te décris ?

River : Oh la la. [River rit] Quelle bonne question. Je pense que j’essayais toujours d’avoir une réponse statique ou parfaite à cette question jusqu’à récemment, même si cette réponse là était « J’en sais rien », tu vois ? Mais là tout de suite, j’ai super envie de m’accepter comme un homme, tu vois ? Enfin, vraiment accepter ça tout au fond de moi. Parce que je pense que pendant longtemps, j’ai pensé que c’était la seule chose que je ne pouvais pas être.

Tuck : D’accord. Tu peux en dire plus là-dessus ?

River : Oh, bien sûr. Je veux dire… on a combien de temps devant nous, Tuck ? [River rit] Tu sais, je suis profondément féministe, donc c’est la première barrière que je me suis érigée. Et c’est pas ça le féminisme, je sais, mais mon cerveau et n’importe quel cerveau, d’ailleurs, peut prendre cette information et la retourner contre nous-mêmes. Pour nous empêcher d’être aimé·es, libres, affranchi·es, selon le mot qu’on préfère. Tu vois ? Et je pense que j’ai pas mal retourné la misogynie intériorisée contre moi-même. J’ai utilisé ça, la petite voix critique au fond de moi, pour me dire, « Mais alors si t’es un homme ça veut dire que tu détestes les femmes » ou je ne sais quoi. Tu vois ? « Si tu rejettes ta propre féminité, à défaut d’un meilleur mot, alors tu es sûrement misogyne ». Et mon cerveau est resté coincé là-dessus pendant vraiment longtemps, et je me dis qu’il faut que je transcende ça au lieu de l’accepter.

Tuck : Oui, oui c’est quelque chose que… Je sais pas si c’est une question, peut-être plutôt une observation que je veux te proposer, mais j’ai beaucoup pensé à cette réaction des personnes non-binaire transmasc qui ont toujours cette intuition de, « Oui, je suis une personne transmasculine, mais je ne suis pas un homme parce que les hommes c’est dégueulasse et je veux jamais être perçu comme ça. » Est-ce qu’on peut travailler sur ça ? Parce que d’un côté, oui les hommes ont fait du mal à littéralement chaque personne qui se dit ça, donc ça se tient parfaitement de dire « euh non merci » mais d’un autre côté, « est-ce que c’est de la… » j’allais dire de la misogynie intériorisée, mais non.

River : De la misandrie intériorisée. [River rit]

Tuck : Est-ce que c’est de la transphobie intériorisée ? Tu vois ce que je veux dire ? Il y a tellement de réflexions à avoir là-dessus.

River : Je pense qu’au fond, la réalité, c’est que les hommes ne m’ont pas fait de mal. Un système patriarcal d’oppression m’a fait du mal. Et est-ce que des personnes qui sont des hommes m’ont fait du mal ? Oui. Est-ce que des personnes qui sont des femmes m’ont fait du mal ? Oui. [River rit] Et à un moment, il faut bien que je regarde ce qui me fait vraiment du mal. Parce que si on sort du domaine du personnel et qu’on regarde… je sais pas, les lois par exemple, c’est un système d’oppression patriarcale, un système d’oppression patriarcale et suprémaciste blanche qui est aussi cisnormée et hétérocentrée, tu sais, et qui cherche à nous détruire — et qui n’y arrive pas, d’ailleurs. Mais c’est pas juste des hommes qui font ça, il y a plein de femmes cisgenres qui signent des lois contre l’avortement. Elles sont prêtes à dire qu’elles sont plus faibles, ces femmes cisgenres qui disent « Il faut qu’on protège l’intégrité des sports féminins, parce qu’on est plus faibles ». Ce n’est pas du féminisme, ce n’est pas de la libération, c’est littéralement de l’oppression. Elles s’oppriment juste pour pouvoir opprimer d’autres gens.
Donc je dis tout ça pour ramener le sujet au fait qu’il faut parfois se délester de tout ça. J’ai dû mettre ça de côté. J’ai été accepté et aimé par des personnes qui sont des hommes cisgenres. C’est arrivé, et je n’attends pas qu’ils me fassent du mal. Parce que j’ai lâché l’idée que ce sont les hommes, les personnes, les individus un par un, qui me font du mal. Ce qui ne veut pas dire que d’autres personnes n’ont pas été blessées par des hommes, je ne nie pas ça. Et je comprends aussi si vous ne voulez pas être des hommes, c’est votre prérogative. Mais mon acceptation de moi-même en tant qu’homme, ça m’a permis de prendre soin de moi et de me libérer, parce que je partais du principe qu’en m’acceptant comme homme, je me transformais en ce qu’est un homme. [River rit] Et ça, je ne peux pas vous en libérer. C’est à vous… enfin, pas à toi, Tuck. C’est à tout le monde.

Tuck : Non, non, je suis le seul à pouvoir le faire. Juste moi.

River : D’accord, Tuck, seulement toi, alors. Tu es la clé. Mais oui, c’est un gros changement, et ça se fait à l’intérieur de moi. Seulement à l’intérieur de moi, quoi.

Tuck : Ouais. Et à ce sujet, non seulement il y a des femmes cis qui m’ont fait du mal, des hommes cis qui m’ont fait du mal, des hommes cis qui ont été fantastiques, des femmes cis qui ont été fantastiques — les mecs trans, c’est les meilleurs. Et si t’es trans et que tu es en train de devenir un homme, tu deviens un homme trans, et il y a tellement de mes amis les plus proches qui m’ont soutenu·e et qui se sont occupés de moi, et qui m’ont servi de guide dans ma vie, surtout ces dernières années, qui sont des hommes trans, et bon… tu te transformes pas en Brad le lambda, quoi.

River : Ouais. Mais tu es quand même Brad le lambda. Parce qu’on peut tomber dans ce piège aussi, « Oh je suis trans donc je suis un homme mais mieux, la version idéale » ou je sais pas quoi. Et je ne suis pas mieux que n’importe qui d’autre.

Tuck : Ouais.

River : Et personnellement, je veux juste parler de la distinction que j’ai ressentie récemment, parce que… Bon, ce qui a démarré cette conversation c’était qu’il fallait que je décrive mon genre, et j’ai l’impression de redevenir ce que j’étais avant que ce soit changé par la société. Et c’est pas plus mal ! D’une certaine façon, j’en suis très reconnaissant, parce que j’ai pu vraiment me découvrir, plus que les gens qui ne se posent pas toutes ces questions ou qui n’ont pas vécu cette vie. Et je pense que c’est ça qui fait peur à tellement de personnes, qu’elles se rendent ou non compte qu’elles ont peur.

Tuck : Oui, je pensais à ça… Quand je grandissais, j’étais vu comme fille 100 % du temps, et j’ai eu cette expérience assez commune, je pense, pour les personnes non-binaires à un moment dans notre vie, où on commence à vouloir plus d’androgynie, on veut que les gens nous regardent et soient un peu perdus et ne sachent pas quoi dire. Mais on a d’autres expériences que plein de gens ont eues, pas juste toi, où t’as toujours été au milieu, et les gens se sont toujours demandé de quel genre tu étais, donc décider à un moment que tu es non-binaire, ce n’était pas une grosse transition en termes de présentation, c’était plutôt mettre un nom sur quelque chose qui existait déjà. Donc le fait que tu te déplaces vers la masculinité, que tu prennes de la testostérone, est-ce que tu penses que ça t’éloigne volontairement de cette ambiguïté, ou est-ce que tu penses que ça a toujours fait partie de toi ?

River : C’est vrai, c’est une distinction importante à laquelle je n’ai jamais vraiment pensé, pas de cette façon. C’est logique si tu étais vu·e d’une façon binaire en étant queer. Alors, oui, se déplacer vers l’ambiguïté, vers l’espace neutre ou le « milieu », c’est super logique. Et c’est bien plus logique pour moi de me dire que je veux quitter ça, parce que ça a été une expérience libératrice de pouvoir juste évoluer dans le monde qui m’entoure. Et une personne cis, surtout si c’est une femme, pourrait voir ça comme moi qui veux rejoindre les rangs du patriarcat. Elles voient ça comme moi qui lâche l’équipe, ou qui pars chez l’équipe puissante. Mais pour moi c’est plutôt, « bah non frère, je veux juste marcher dans un aéroport sans qu’on m’emmerde ». [River rit] Tu vois, quand je veux aller aux toilettes, je veux pouvoir aller aux toilettes, je ne peux pas forcer à la société, ou la modeler autour de ce besoin. Donc j’ai accepté certaines choses à mon sujet, et ces besoins, ces envies, ces désirs, je les ai acceptés, et je me suis dirigé vers ce qui m’a permis de les réaliser. Parce que je suis aimé et accepté par mes proches. C’est le monde extérieur qui est parfois difficile à appréhender. Et je voudrais aussi ajouter que ces changements, ces désirs et besoins, dans le monde, ne signifient pas que j’ai abandonné mes adelphes qui veulent cette ambiguïté et qui veulent aussi que ça se passe bien dans la société. Ma préférence, ça serait d’aller dans des toilettes où tout le monde peut aller. [River rit] Tu vois ? C’est juste ça, en fait. Je ne me dis pas « Ah, c’est tranquille pour moi maintenant, donc tant pis pour vous ». Je veux tout. Je veux vraiment tout ça.

Tuck : Oui, il y a beaucoup de choses à dire sur à quel point ma transition est due à ma fatigue. Tu vois ? Donc je me retrouve vraiment dans ce que tu dis. Donc je me disais… toi et moi, on a commencé la T presque exactement en même temps. Je pense qu’on a commencé à une ou deux semaines d’écart.

River : Ah ouais ?

Tuck : Et je sais ça parce que tu parles publiquement de quand tu as commencé la T et d’autres choses que tu as faites, comme quand tu as fait ton changement officiel de prénom, ce genre de choses, et moi je fais attention à ne pas en parler en public et je n’en parle que si c’est pertinent pour mon interview. Je suis curieux. Je ne veux pas dire « c’est pas comme ça que je fais, alors pourquoi tu fais ça ? » mais je me demande pourquoi tu fais ce choix-là, d’en parler en public.

River : Ouais. C’est super rigolo que tu me poses la question, parce que je faisais ces podcasts et j’hésitais vraiment beaucoup, [River rit] j’y ai beaucoup réfléchi et c’est un très bon timing pour ces questions parce que je me pose justement la question en ce moment. Mais voilà ce que j’ai à dire : même si je n’en parlais pas en public, j’irais quand même faire des podcasts, et les gens me poseraient quand même ces questions parce qu’ils pensent que c’est complètement acceptable. Donc je me pose toujours la question : est-ce que c’est une bonne idée ? Et je ne suis pas sûr que la réponse soit toujours oui, mais je pense que je suis juste une personne qui a l’habitude de partager son expérience en détail, et je partage ça, parce que je suis dans une position où je peux être une personne queer qui montre un exemple. Et j’ai reçu beaucoup de retours pendant ma… ma carrière ? Enfin je sais pas comment appeler ça, ma performance… les gens disent, tu sais, « Tu es la première personne qui me ressemble et en qui je me retrouve que j’aie vue dans le monde réel », tu vois ? Et je ne pense pas que c’est mon devoir de changer la vie des gens, mais alors que je change, il y a du partage que j’ai envie de faire. Et quand c’était moi, je ne me suis pas vraiment demandé comment je voulais partager. Je n’ai pas partagé mes dosages et les détails les plus minutieux de tout le processus. Je n’ai pas partagé les changements de ma voix. Elle change. C’est juste que j’ai un travail très visible et je ne peux pas éviter ces changements, donc je me suis dit qu’il y avait peut-être des choses que je pouvais partager, parce que les personnes qui ont partagé avec moi m’ont aidé à changer ma vie. Elles m’ont aidé à grandir et à découvrir tout ça pour moi-même, donc je me disais que partager un peu… Et je respecte et j’apprécie complètement ce que tu fais aussi parce que je pense qu’il faut aussi que ce soit un exemple.

Tuck : Oui, mais c’est vrai ce que tu dis, que les gens savent. C’est parfaitement évident, quand ma voix descend d’un octave, que je prends de la testostérone.

River : Oui. J’ai des poils sur le visage.

Tuck : Mais ça veut dire, on en parlait dans l’interview mais aussi avant l’interview, les gens pensent pouvoir nous poser ces questions. Et quand les gens ont compris que je prenais de la T, ils ont commencé à commenter des aspects de mon corps qui avaient toujours existé mais qu’ils pensaient maintenant pouvoir se permettre d’évoquer. Et j’ai une règle : si quelqu’un que je connais mal fait un commentaire sur mon corps sur les réseaux sociaux, je réponds quelque chose comme « Ne parle pas de mon corps, s’il te plaît ». Que ce soit positif ou non à leurs yeux, je m’en fous. L’idée c’est juste que ces personnes prennent pour acquis le droit de dire « Oh, je vois que tu transitionnes et je veux montrer que je le vois, parce que je veux gagner le jeu. »

River : Ouais, « je veux les bons points » ou quoi. Je pense aussi que c’est quelque chose de très nouveau, les gens pensent pouvoir se permettre de faire des commentaires sur mon corps parce que je suis un homme, donc maintenant c’est acceptable, avant ça on ne pouvait pas parce qu’on ne commente pas le corps de… On parlait du fait que les femmes évoluent différemment dans le monde et sont traitées différemment, il faut qu’on en parle. J’ai l’impression qu’il y a ce côté de « Il faut qu’on commente aussi, pour rétablir la justice », et en fait, commenter le corps des hommes ce n’est pas retrouver l’équilibre. Et quand je dis ça, je ne mets pas les hommes au-dessus des femmes. Ce n’est juste pas comme ça que la justice fonctionne. Les réparations, ce n’est pas la vengeance. Et ce comportement, je le trouve très revanchard, mais c’est normal que la société soit vraiment tournée autour de ça. C’est pas linéaire, forcément. [River rit] Tout est un échange et a un prix et un coût et tout ça.

Tuck : Ouais. Hier, j’ai parlé à Avery, de Girlpool, qui a fait sa transition d’homme trans alors qu’il est dans un groupe qui s’appelle Girlpool. Et c’était un peu pareil pour toi, tu te genrais publiquement sur beaucoup de tes projets créatifs qui parlaient d’être une lesbienne et sa femme, avec l’émission Take My Wife. C’était bien ça le contexte ? Maintenant, ton prénom a changé, ton pronom a changé, vous avez divorcé… et tu t’en es sorti quand même malgré tout. Mais je me demande s’il y a eu un moment au début de tout ça où tu as eu du mal avec ça, où tu t’es dit « Je peux pas faire ça parce que ça va détruire ma carrière. Changer mon nom, ça va détruire ma carrière. Changer mon genre, ça va détruire ma carrière. » Je ne pense pas que ce soit vrai, mais je pense que ce sont des questions que beaucoup d’entre nous doivent prendre en compte.

River : Oui, complètement. [River rit] Tu sais, je pensais que j’avais, euh… Encore une fois, c’est ce système de croyances statique, ou une absence plutôt qu’une abondance, un sens de « Oh, ça va tout gâcher ». Plutôt que, « Et si c’était possible ? » Et même pas « Et si c’était mieux comme ça ? » Et pourtant ça l’est, mieux, parce que je suis moi-même. Je suis qui je suis, encore plus qu’avant. J’étais qui j’étais et maintenant je suis encore plus qui je suis, tu vois. C’est pas comme si je mentais à tout le monde, je me comprenais à ma façon. Mais c’est le côté d’être un humain où tu te dis, « Si je fais ça je vais perdre tout ce que j’ai » et pas « Qu’est-ce que je vais recevoir ? » On ne parle pas de gagner, mais juste de recevoir ! Et je l’ai déjà dit… Je suis allé à une fac récemment et j’ai fait mon set dans une salle de sport. J’avais tellement envie de dire… Et je l’ai dit, d’ailleurs, « Je n’ai jamais fait un set dans une salle de sport, et j’arrive pas à croire que c’est vrai ! » [Tuck rit.] Et donc j’ai dit, j’essaie de me souvenir exactement de comment je l’ai dit, mais j’ai dit quelque chose sur le fait d’être lesbienne. Un truc comme, « Mais je veux dire, je suis pas une lesbienne, mais je ne suis pas pas une lesbienne », tu vois ce que je veux dire ? Les étudiant·es se marraient parce que c’est l’expérience de plein de gens, mais je pense aussi qu’une génération plus jeune est beaucoup plus ouverte à ces sortes de couches d’identité plutôt qu’une frontière rigide. Et je dis tellement souvent en public « Je ne suis pas une lesbienne » parce que dans mon travail d’humoriste c’est une étiquette qui revient tout le temps. Et les gens disent « humoriste lesbienne » ou quoi, et maintenant les gens disent « un humoriste trans », j’aimerais bien être un humoriste qui est accessoirement trans et… Enfin j’aimerais bien… tu vois ce que je veux dire ? C’est une question de priorité des informations. Lesbienne, c’est aussi culturel, un peu. C’est quasiment une ethnicité. Y’a pas vraiment de mot pour ça, tu vois ce que je veux dire ? J’en viens, j’y suis. Ce n’est pas parti et ce n’était pas une erreur, ou seulement si on a une vision vraiment rigide du lesbianisme.

Tuck : Ouais. Je parlais à une amie récemment et elle me disait « Ah oui, j’ai un·e ami·e qui pense qu’iel est peut-être un homme, mais iel est lesbienne et ne sait pas quoi faire et est dans sa quarantaine. » Et je suis là à me dire « Ah non hein, on a déjà réglé ça, il faut lui dire, on peut être un homme et être lesbienne et tout le monde sait ça et tout va bien. »

River : Ouais. Ces deux choses-là, c’est pas mutuellement exclusif, et c’est… moi, j’utilise plutôt le mot « gouine ».

Tuck : j’allais dire ça, un homme à expérience gouine, c’est très très commun. Plein d’hommes trans ont une expérience de gouine.

River : C’est super commun. Parce que pour moi l’inverse… je ne veux pas dire l’opposé parce qu’il n’y a pas d’opposé… mais l’expérience aux antipodes de ça, c’est de faire partie de la communauté ou de l’expérience du lesbianisme et d’avoir cette sorte de rejet de la butch parce que « Bah pourquoi tu sors pas juste avec un homme ? » Et… non, il y a tout ici. Pour moi c’est ça le lesbianisme. Le lesbianisme, c’est « il y a de tout ici », et pas, « pas ça ». Je ne veux pas me définir par ce que je ne suis pas, mais par ce que je suis, tu vois ce que je veux dire ? Je ne veux pas me dire « tout m’attire sauf ça ». C’est plutôt… « tout m’attire ! », tu vois ? C’est ça qui fait de moi une personne, ce ne sont pas ces choses qui ne font pas partie de ma vie qui font de moi une personne. Je ne sais pas si c’est clair.

Tuck : Oui, et à ce sujet, j’ai vu que tu faisais la promotion d’un autre podcast sur lequel tu as été invité, et où tu dis « Dans ce podcast, j’ai failli parler de ma bi/pansexualité. »

River : Oui, j’ai vraiment failli ! C’est pas passé loin !

Tuck : Je le dis, frérot. Qu’est-ce qui s’est passé ?

River : Oui, tu peux mettre des mots dessus ! Mais c’est juste… moi ça me faisait rire, parce que je n’ai pas fait exprès de ne pas le dire. J’en ai juste pas beaucoup parlé donc… et puis à la maison, par opposition à la sphère publique, c’est vraiment accepté et normal. C’est pas vraiment quelque chose que j’ai dû… je n’ai jamais dû faire un « coming out » pour ça. Je n’ai pas l’impression qu’il faut que je fasse un coming out pour quoi que ce soit, maintenant, pour être honnête. J’ai fait un coming out une fois, ça a détruit le placard, et maintenant c’est plutôt « tiens, quelles sont ces nouvelles possibilités et expériences dans ma vie ? » Mais je pense que quelque chose auquel je ne m’attendais pas du tout en entamant ma transition, en me retrouvant, c’était cette compréhension, cette acceptation, cet amour dans les relations et l’attirance que j’ai avec des hommes cisgenres. C’était bien, et je n’avais pas à… C’était quelque chose que j’avais l’impression de devoir faire pour être accepté comme lesbienne, de devoir assigner seulement des expériences traumatisantes à ça, et que c’était mal et que ce n’était jamais bien, et c’est pas vrai. [River rit] Tu vois ? C’est pas vrai. C’est pas vrai ! Ce n’est pas mon expérience. Et ça ne me rend pas moins lesbienne, queer, gouine, pas du tout, même. Tu sais, il y a toute cette image de la « gold star » [NdT : une lesbienne « gold star » ou étoile d’or est une lesbienne n’ayant jamais eu de relation avec un homme], et tu as l’impression qu’il faut que tu sois comme ça et tout. Et encore une fois, je ne blâme personne. C’est la façon dont j’ai moi-même intériorisé ça. Mais j’ai pu accepter chaque relation comme quelque chose de positif.

Tuck : Ouais.

River : Sauf le négatif. Y’a… il y a eu une expérience négative et elle ne nie pas les autres. [River rit] Et après il y a mon expérience personnelle des gens, je ne suis pas attiré que par des personnes cisgenres. Je suis en couple avec une personne qui est non-binaire et donc, la pansexualité, la bisexualité de cette situation, ça n’a aucune limite. Et je respecte les gens qui ont une limite, tu sais, tant qu’on ne force personne à quoi que ce soit, mais c’est plus rétroactif qu’autre chose.

Tuck : Oui, c’est plutôt une observation, du genre « Ah tiens, c’est comme ça que mon attraction s’exprime en ce moment… »

River : Oui.

Tuck : Ouais. J’adore le processus classique de « hétéro attirée par les hommes, lesbienne attirée par les femmes, gay attiré par les hommes ». C’est trop cool de revenir et de se dire, « Oh, je me sens tellement mieux maintenant que c’est gay. »

River : Oui.

Tuck : Être gay pour tout le monde.

River : Oui, et quand j’y repense, mon attraction pour les hommes cis venait d’un point de vue homme.

Tuck : Oui !

River : C’était ça, et c’était ça qui bloquait. C’était rien d’autre. C’était que je ne comprenais pas vraiment d’où venait mon attraction envers cette personne. Comme tu disais, c’est un processus qui continue où je me dis aujourd’hui « oh, cette relation était queer ». Cette personne n’est peut-être pas queer, mais la relation l’était ! [River rit]

Tuck : Je partage complètement ça. Je voulais revenir à quelque chose que tu as dit sur un humoriste qui est aussi trans, plutôt qu’un humoriste trans, parce que quelque chose qui me ronge vraiment c’est que ce podcast dure depuis… On commence notre cinquième année.

River : Bravo.

Tuck : Merci ! Et on a une grosse audience pour un petit podcast indépendant que j’enregistre dans mon placard, et on n’est jamais sur des listes de bons podcasts. On est sur des listes de podcasts LGBT. Et même comme ça…. C’est généralement une liste de podcasts LGB, et puis je pousse une gueulante de type « tu as oublié de mettre la moindre personne trans là-dedans », et je force la personne qui a créé la liste à mettre trois podcasts trans et des fois, c’est ton podcast sur le baseball et c’est ça le podcast trans, et l’autre me dit « Ben quoi, c’est techniquement un podcast trans ». Est-ce que ça t’énerve, de ne pas pouvoir évaluer tes compétences comme ça ? Parce que pour moi, c’est vraiment, « Est-ce que mon émission est juste nulle ? » Ou « est-ce que je m’en sortirais mieux si mon podcast n’était pas à propos de la transidentité ? » Est-ce que je m’en sortirais moins bien si mon podcast ne parlait pas de transidentité ? Je ne pense pas, hein, mais je me pose la question. Est-ce que ça t’affecte ou pas du tout ? Est-ce que tu arrives à juste faire ton truc sans t’en soucier ?

River : Les deux, en fait. Parce que la vraie question, c’est « qu’est-ce que tu vas faire ? » Parce qu’on en revient toujours aux mêmes choses que tu me demandais plus tôt sur le fait d’être ouvert et de parler de certains aspects de ma transition en public. Et si j’en parle pas, qui va le faire ? Et c’est pas pour dire qu’il faut absolument que ce soit moi, mais je pourrais me produire sur scène et ne jamais mentionner le fait d’être trans et je serais quand même sur la liste des humoristes trans. Ça va arriver tout pareil parce qu’on vit dans une société blanche, cisgenre, hétéronormée, et si tu sors de la norme on va t’ostraciser quoi qu’il arrive, et si je l’accepte — et ça ne veut pas dire que je l’apprécie — je peux parler d’acceptation ici, mais je veux qu’il soit bien clair que le fait que j’accepte quelque chose ne signifie pas que je l’apprécie. Je ne l’approuve pas forcément. Ça ne veut pas dire que je l’encourage, mais je le tolère. Parce que si je n’accepte pas que ça fait partie de mon expérience, tout ce que tu viens de dire, Tuck, alors je vais continuer à essayer de me battre contre des moulins à vent. Je vais continuer à faire des grands moulinets et à utiliser toute mon énergie pour combattre quelque chose que je ne peux absolument pas changer.

Tuck : Ouais.

River : Donc comme tu disais, c’est en continu… pour moi, cette pratique se fait en continu. Je demande aux endroits où je me produis de ne pas me qualifier d’humoriste trans. C’est évident. Ces choses-là sont évidentes. On n’a pas besoin de les expliquer aux gens, quoi. Wanda Sykes a un super sketch sur son coming out. elle dit qu’elle n’a jamais eu besoin de faire un coming-out de personne noire, et ensuite elle fait tout ce sketch de si elle avait dû annoncer à ses parents qu’elle était noire, tu vois, à quel point ça nous semble ridicule. Je pense que faire un coming out c’est très important pour les gens, et je pense que ça fait partie de l’évolution, de devenir une personne qui se définit par elle-même, et pas « il faut que je sorte du placard ». On n’a pas un placard public comme dans le passé, où les gens devaient rester cachés pour réussir. Et les gens continuent… je ne vais pas faire le faux naïf, mais je pense qu’on a pris suffisamment de confiance et d’expérience pour que je puisse croire que l’expérience du coming out est une expérience d’affirmation de soi que je souhaite vraiment à tout le monde, pas juste aux homos et aux queers. J’aimerais… j’aimerais que ce soit pour tout le monde, et je pense que les fascistes ne veulent surtout pas ça. Ils veulent une mentalité de groupe. Ils ne veulent pas une mentalité individuelle. Ils ne veulent pas cette sorte de relation à notre propre âme. Ils veulent effacer l’identité de genre et l’orientation sexuelle, sauf si elles sont cisgenre et hétérosexuelle, parce que c’est quelque chose d’anormal et qu’on ne peut pas tolérer ça.

Tuck : Je me demandais ce que tu ressentais en ayant une carrière aussi longue et importante, et ensuite que le personnage d’acteur trans le plus célèbre soit Che Diaz.

River : [River rit] Oh mon Dieu ! Bon, en vrai c’est un personnage fictif, j’ai pas besoin d’être à la hauteur de cette concurrence-là ! [River rit] Parce que je pense que les séries où j’ai joué, je les ai mentionnées, elles ne sont pas très célèbres.

Tuck : Oh, intéressant !

River : Et c’est pas parce qu’elles ne sont pas appréciées. C’est parce que je dis « oh, donc vous avez pas vu cette série », et… je me demande… enfin c’est pas un débat hein ! Je pense juste que c’est intéressant. [River rit]

Tuck : En fait, je pense que je parle juste à des gens qui passent beaucoup trop de temps sur Internet.

River : Ouais, ouais, ouais.

Tuck : Donc c’est pas facile de juger. Mais j’ai une vraie question, vaguement en rapport avec Che. C’est mon impression qui est que les gens qui regardent cette série, on va la nommer pour le public…

River : And Just Like That.

Tuck : And Just Like That, le reboot de Sex and the City. Une des choses que les gens n’aiment pas chez Che, c’est que son « humour » qu’on lae voit faire sur scène, c’est plutôt du TED Talk inspirant avec des arc-en-ciels.

River : Oui !

Tuck : Et je voulais te demander. En tant que vrai humoriste trans de la vraie vie, qui se produit, statistiquement, surtout devant des personnes cis…

River : Humoriste qui est aussi trans, Tuck, voyons… [Tuck et River rient]

Tuck : Comment est-ce que tu parles d’être queer et trans d’une façon qui met la joie queer au centre et reste accessible à un public cis, et comment tu évites de faire des sortes de concerts rigolos comme Che Diaz qui fait juste des TED talks positifs ?

River : Je pense que c’est très simple. J’écris juste des blagues. Il y a sûrement des humoristes qui font ce que fait Che Diaz, mais la plupart des humoristes qui sont trans et que je connais font la même chose que moi, à savoir, écrire des blagues. J’écris des situations marrantes avec des fins marrantes. Je raconte des histoires, aussi. Je pense que quand on reste sur cette idée de « Quelle est la chose la plus simple que je puisse dire là ? Comment puis-je le simplifier, et le rendre drôle, et avec quels mots ? » C’est vraiment juste ça, parce que ces sujets… Ah, et je veux préciser que Sara Ramirez fait un excellent travail d’acteur·ice avec les répliques qu’on lui fournit.

Tuck : Oh, oui. Absolument.

River : Iel défonce vraiment tout. C’est pour ça que personne parle de Che Diaz ! Si Sara Ramirez ne faisait pas un bon travail, tout le monde s’en foutrait. Tout le monde se dirait, « Boarf ». Mais je fais pas ça, parce que je veux faire rire les gens, et ce genre de sketchs, ça ne fait pas rire les gens. Ça fait applaudir, des fois on a droit à quelques encouragements et ça c’est cool. Mais moi, j’aime faire rire les gens, dont il faut que je trouve ce qui est drôle, pas juste ce qui est intéressant, et je ne réussis pas à chaque fois. [River rit] Tu vois ? Mais avant, j’essayais d’écrire en me disant « Comment est-ce que je peux convaincre quelqu’un qui n’est pas queer, gay, etc., comment je peux l’attirer ? » Maintenant je ne me pose plus vraiment la question, parce qu’il y a tellement de transphobie. Je n’ai pas peur d’être transphobe, parce que je pense que ça nous bloque dans une boîte fermée de « Oh, il ne faut pas que je fasse ça », et qu’on en oublie de penser à ce qu’il faut faire. Mais je pense que c’est vraiment important d’avoir des personnes trans qui parlent d’être trans pour un public trans, sinon c’est trop facile de tomber dans ce piège.

Tuck : Ouais. Tu penses souvent à qui compose ton public ? Je me dis.. Quand je fais des présentations pour des personnes cis, parfois, je fais une blague et elle tombe à plat parce que les gens ne comprennent pas assez les questions trans pour comrpendre la blague, alors que dans un autre contexte ça serait drôle. Est-ce que tu penses uqe tes sets seraient différentes si tu avais une audience 100 % trans, ou est-ce que tu penses que tu dirais à peu près la même chose ?

River : Je… Je pense que j’essaie juste de dire la même chose quoi qu’il arrive. Parce que dans la pièce, il y a toujours au moins une personne trans, et elle est sur la scène. [River rit]

Tuck : Et il faut que tu arrives à te faire rire toi-même.

River : Ouais, et c’est moi qui dois gérer tout ça pendant une heure. Et je pense que quand j’essayais de mettre mon public au-dessus de tout… c’est un piège, ou en tout cas ça l’était pour moi. Créativement, c’est un piège. Et encore une fois, je suis sûr que des gens ne sont pas d’accord. Je ne fais pas de supposition, j’essaie juste de trouver de l’humour dans mon expérience personnelle. C’est juste ça, et parfois, cette expérience c’est de la transphobie. Il y a plein d’humoristes qui racontent des choses transphobes, donc autant que je partage mon expérience, sinon ça sera les seules personnes à parler de transidentité. Et qu’on l’entende ou non, que je « devienne célèbre » ou non, c’est… (Je veux que tout le monde sache que j’ai fait des guillemets avec les doigts, là.) J’arrive pas à croire que j’ai la chance de faire ça. J’arrive pas à croire que c’est mon métier. C’était mon boulot de rêve et je savais même pas que c’était mon rêve. Je pensais que j’allais travailler comme caissier à Akron, dans l’Ohia, jusqu’à la fin de mes jours. Et je respecte ça aussi. Aucun manque de respect ici. Je pensais juste que je ne quitterais jamais ma ville d’origine.

Tuck : Ouais.

River : En fait, je n’avais même pas pensé qu’il y avait d’autres possibilités. Donc si n’importe qui veut m’écouter parler, c’est merveilleux, et je ne parle même pas du fait que je suis payé et que les gens passent un bon moment. C’est vraiment cool. Et je pense que c’est ce qui m’encourage, sur tout ce dont tu as parlé là, être ostracisé et rangé dans des catégories et tout ça. Et je me dis que si je passe ma vie à m’énerver à ce sujet, je ne fais que donner raison à ces problèmes. Et c’est pas pour dire que c’est pas nul. C’est vraiment nul. C’est vraiment nul de ne pas pouvoir juste exister. C’est comme mon podcast de baseball, qui doit être un podcast queer. Ben non, c’est un podcast sur le baseball, mais en même temps, je ne veux pas que ça ne soit pas un podcast queer, tu vois ? À force, on lâche l’affaire et on se dit « tant mieux, j’imagine qu’il y a plus de gens qui me connaissent comme ça ». Plus de gens vont en entendre parler. Mais je vois bien ce que tu veux dire. Je comprends vraiment. Et tant que je suis sur ce podcast, et j’espère que ça ne va pas en sortir et devenir un moment viral, je pense qu’une partie de son spectacle est un peu copiée sur mon spectacle Two Dope Queens. Ca sonne vraiment proche ! [River rit] Y’a une punchline ! Alors la punchline c’est pas « sois toi-même », hein. Mais j’ai un sketch ou l’idée de base, c’est « il n’y a pas assez de cases à cocher ». Et derrière Che, il y a littéralement un gros panneau en néons qui dit « cochez la case », et je me dis, « hmm, intéressant… » Évidemment, le monde tourne autour de moi. Tu comprends bien, Tuck.

Tuck : Oui, évidemment. Bon, je sais que tu as déjà dit par le passé que tu n’es pas un militant et que tu essaies juste de faire de l’humour, mais j’ai regardé ton compte Twitter et tu retweetes…

River : Oups. [River rit]

Tuck : Tu retweetes mes potes, et donc tes potes je suppose, qui parlent de sujets trans, plus souvent que tu ne parles d’humour. Et c’est logique parce que les questions trans c’est toujours urgent ! Mais quand tu essaies de faire des podcasts, des podcasts d’humour, toutes ces questions trans ressortent parce que les gens pensent avoir besoin de t’en parler, et ensuite il faut que tu les corriges parce qu’ils racontent n’importe quoi, et ils parlent de gens qui s’identifient comme des objets, et tu as cet excellent instinct que j’ai aussi de répondre « Il ne faut pas dire s’identifier mais juste être », et j’apprécie ça parce que je dis la même chose. Bref, tout ça pour dire que je te vois devenir un peu plus militant parce qu’on n’y échappe pas en ce moment, et je me demandais si tu te voyais aussi comme ça ou si tu résistes encore.

River : Je pense que mon instinct me dit de dire que je ne suis pas un militant parce que je pense que… Pour revenir à ce qu’on disait plus tôt, sur le fait de glisser en dehors de la non-binarité, je veux dire que mon point de référence est non-binaire. Mon expérience interne, spirituelle, du monde, est non-binaire, même si mon expérience externe ne l’est pas forcément. Donc tout n’est pas blanc ou noir. On n’est pas militant ou pas militant. Je me dis que je fais ce que je peux avec ce que j’ai, et donc, je m’énerve contre les gens qui me qualifient de militant parce que dans certains endroits, dans certaines interviews, c’est un manque de respect. Il y a des humoristes qui ne parlent que de politique et on ne les traite pas de militants. On ne dit pas « un humoriste militant de droite », parce que c’est ça le centre, et ça, ça m’énerve. Et ensuite, je connais des gens qui sont militants, qui vivent dans une voiture qui est garée sur une canalisation pour en empêcher la construction… Tu vois ce que je veux dire ? Je fais pas ça, moi.

Tuck : Ouais.

River : Donc je pense que je ne veux pas m’approprier ce rôle parce que je vois aussi des gens qui sont des militants d’entreprise. Il y a un militantisme, surtout chez les LGBT, spécifiquement LGBT et pas queer, du militantisme du « capitalisme arc-en-ciel ». Et je ne veux pas appartenir à ça, me dire que mon opinion est un militantisme et… je ne veux pas cautionner ça. Mais en même temps, c’est important d’en parler, et je suppose que c’est bien du militantisme, alors je sais pas. J’hésite juste à mettre des étiquettes sur mes actions et moi-même parce que je sais que mon ego va adorer, et il faut que je reste humble, et… Il y a des gens qui me disent qu’il faut que j’utilise ma notoriété. Oui. C’est pour ça que je retweete des gens, j’ai pas mal de followers, j’ai une certaine couverture que je peux mobiliser. Mais ce n’est pas ma motivation parce que je pense que c’est un concept fallacieux. Et puis, comme je disais sur Instagram récemment, j’aimerais bien que mes proches n’aient pas besoin de militer. Tous les gens de mes cercles, qui sont proches de moi, qui partagent mes expériences de vie, mes ami·ies autochtones et acteur·ices ne peuvent pas juste faire leur métier. Iels doivent aussi militer pour les droits des personnes autochtones et, oui, c’est génial et incroyable et puissant, mais on était juste là pour faire notre travail, en fait. Ca fait partie de tout ça. Je respecte et j’apprécie et je suis reconnaissant pour le travail des personnes qui militent, mais j’aimerais bien ne pas avoir besoin de le faire ! Et je sais que les activistes se sentent comme ça aussi.

Tuck : Et pas tout le monde n’a les compétences, surtout pour les personnes queer et trans, où on a un certain profil et un certain statut social, et on fait notre coming out, et deux jours plus tard on doit représenter toute la communauté trans alors qu’on n’y connaît encore rien. On commence à peine. Il faut du temps pour tirer des leçons des personnes dans notre communauté, quoi. J’ai l’impression qu’on voit ça tout le temps.

River : Ouais, et je me dis aussi que… j’ai l’impression que dès le premier jour, on peut complètement s’exprimer. Les deux sont vrais. Les attentes sont juste trop hautes. Et j’ai l’impression, aussi, qu’on me tend le micro parce que je suis blanc.

Tuck : Ouais.

River : Et c’est pour ça que je retweete d’autres gens, parce que je ne veux pas parler à la place des autres.

Tuck : Une dernière question sur Twitter. Il y a deux mois à peu près, tu as tweeté, « Si mon prénom vous plaît, attendez de voir le deuxième.. » [River rit] Alors, quand est-ce qu’on va apprendre ton deuxième prénom ?

River : J’attends d’avoir une copie physique qui n’est pas une lettre du tribunal. Je veux partager ça en tant qu’être humain parce que je pense que tout le monde, trans ou non, peut s’y reconnaître. À la seconde où j’ai commencé les papiers administratifs, je me suis senti si petit et incompétent… C’est quelque chose que je veux partager. La bureaucratie, le gouvernement, ce sont des choses qui sont oppressives par leur simple existence. C’est tellement… Je me sentais tellement nul ! Et heureusement, j’ai un réseau et je peux demander de l’aide à des gens et ne pas juste abandonner et me dire « Tant pis, je ne suis pas assez bien pour ça ». Mais pfiou, c’était une vraie expérience. Et je ne souhaite ça à personne d’autre. Je pense que c’est une autre chose que les personnes cis ne comprennent pas quand elles nous posent toutes ces questions : il y a tellement de personnes qui ne sont pas trans et qui ont dû me valider à chaque étape ! J’ai dû demander la permission des personnes cis à chaque étape, et maintenant vous me posez des questions comme si c’était un sujet de conversation complètement normal. Non mais frère… j’ai dû faire tellement de choses, et tu ne peux même pas les appréhender parce que tu n’y as jamais été confronté. T’as juste besoin d’une visite médicale, et en fait, moi aussi ! Tu vois ? [River rit] Tous ces choses qui sont juste un peu chiantes dans ta vie… nous, il faut qu’on rajoute toute une couche d’interactions supplémentaires juste parce qu’on est né·es comme ça.

Tuck : Ouais. Ouais, je ne voulais pas en parler parce qu’on arrive au bout de l’émission, et qu’on en parle toujours, mais tant pis. Comment tu gères le fait de savoir que ton ancien prénom et ton ancienne voix et tes anciennes blagues sont partout sur Internet et pour toujours ? Parce que c’est pas facile.

River : C’est vraiment pas facile. Vraiment pas. Je veux dire… Tuck, c’est un exercice quotidien. C’est dur. J’aimerais bien pouvoir appuyer sur un interrupteur, mais personne ne peut faire ça. Personne. Personne ne peut faire ça mais c’est dur, parce que je pense que j’ai essayé de forcer ça. Je pense que j’ai été assez rigide et que je suis tombé dans le piège et le comportement de « oh, je peux m’en sortir », et en fait non. Des fois ça fait mal de devoir dire aux gens « arrêtez, s’il vous plaît arrêtez de faire ça », mais je sais pas quoi faire d’autre. Je sais pas. Tu vois ce que je veux dire ? Mon nom est gravé dans le générique de séries télé, et je ne peux pas changer ça. Je ne peux rien changer. Et je comprends bien que les gens comprennent pas ça, mais sérieusement, j’ai envie de leur demander : « Pourquoi vous utilisez le mauvais nom ? Mon nom est sur le Zoom. Il est juste là. Je l’ai changé partout où je pouvais et vous continuez à le mentionner. Pourquoi vous faites ça ? » Des fois j’ai l’impression d’être métaphoriquement à genoux à m’exclamer « Pourquoi, mais POURQUOI ? » Mais j’en sais rien et de toute façon, c’est pas à moi de le comprendre. J’ai qu’à vivre avec mes émotions.

Tuck : Ouais. Je pense que pour moi, c’est très difficile de trouver mes propres sentiments valides. Je me demande, « Comment expliquer que ça m’affecte vraiment profondément quand vous faites ça ? »

River : Oui.

Tuck : C’est dur à justifier. Mais bon, ici, sur le podcast du genre, on va parler de genre ! Je te parlerais bien pendant quelques heures de plus…

River : Six jours.

Tuck : Est-ce que tu veux ajouter quelque chose ? Je sais qu’on n’a pas fait la promo de quoi que ce soit.

River : Oui, d’accord.

Tuck : Est-ce que tu veux nous parler de quelque chose, faire ta pub ?

River : J’ai sorti un spectacle spécial cette année. Je l’ai filmé l’an dernier, et il s’appelle A Different Kind of Dude. A l’époque, je me faisais appeler RB. J’ai pas non plus la même tête qu’aujourd’hui. C’est assez… Bon d’accord, tu vois on est dans la section promo, c’est là que j’ai dû décider entre continuer ma carrière au quotidien ou semaine après semaine, et transitionner. Ou si je voulais tout faire d’un coup. Et ça s’est passé comme ça. Tout ce dont on a parlé là… je n’ai pas eu besoin de choisir entre ma carrière et ça. C’est juste… J’aurais pu prendre des vacances et revenir complètement différent, j’imagine, mais j’ai eu tellement de temps dans ma vie… J’ai toujours su que j’étais trans, avant d’avoir les mots pour le dire, et après j’ai eu les mots et j’étais, genre. « Oh non ! » J’avais super peur. J’avais énormément de critiques internes, d’une voix critique, de négativité qui me disait qu’il fallait que j’attende les conditions parfaites, que j’attende d’avoir fini, et c’est pas viable. La vie, c’est pas comme ça. Et donc, je pense que c’est vraiment pour ça que j’ai décidé de vivre ma vie, parce que vivre ma vie c’est faire du standup, et je ne voulais pas arrêter de vivre ma vie d’une quelconque façon, et j’ai compris que c’était compatible. Pas facile, mais compatible.

Tuck : Ouais. Hil Malatino a écrit un bouquin qui s’appelle Side Affects : On being trans and feeling bad, et un chapitre parle des différentes façons de vivre pendant cette période intermédiaire, entre le passé et ce qu’on imagine que le futur va être, quand on a « fini de transitionner », que ce concept existe ou non. Comment est-ce qu’on arrête de mettre son bonheur en pause jusque-là, et qu’on commence à comprendre comment exister dans cette période intermédiaire étrange, et qu’on trouve de la joie dans la nature même de cette phase ? Je pense que ça revient à beaucoup de ce que tu es en train de nous dire, c’est très logique. Parce que bon. Qui sait si on va un jour finir de transitionner ?

River : Oui, exactement. Quand tu te rends compte que cette période de transition, en fait, c’est tout ce qu’il y a. [River rit]

Tuck : Exactement. Totalement.

River : C’est toujours une période de transition, parce que même ce que je vois comme « la fin », à savoir qu’on meurt tous, chacun d’entre nous va mourir, ça, c’est inévitable. Même ça, c’est pas vraiment la fin ! Enfin, j’imagine que oui, c’est peut-être la fin, on n’en sait rien, finalement, mais tu vois ce que je veux dire ? C’est une espèce de milieu perpétuel, que je retrouve vraiment dans la transidentité : j’ai l’impression d’être tout le temps ado, et ça panique tout le monde et je me dis, « Non, moi j’adore ça. » Parce que je n’ai pas eu de vraie adolescence. J’étais en train d’éviter tout un pan de l’adolescence, pendant tout ce temps. Et maintenant je suis dans cette espèce de jeunesse perpétuelle… mais une jeunesse différente. Ce n’est pas une question d’âge. C’est une question spirituelle, tu vois, une ouverture constante aux différents possibles, dans la mesure de mes capacités. Je ne fais pas ça parfaitement tous les jours, mais aujourd’hui, c’est une bonne journée, Tuck. [River rit]

Tuck : Nous finissons toujours l’émission par la même question : dans ton monde idéal, à quoi ressemble l’avenir du genre ?

River : Pour moi, la libération trans, c’est le droit à l’auto-détermination, et quand je dis le droit à l’auto-détermination, je ne parle pas d’un tribunal. Je veux dire, transcender tout ça — pas de tribunaux, pas de lois sur le genre. Chaque personne peut être qui elle est, ce qu’elle est. Je respecte pas, mais je ne suis pas de ces personnes qui disent « Abolissez le genre dans son ensemble, bla bla bla ». Je me dis, « Non, moi… si c’est ce que vous voulez, tant mieux pour vous, mais je ne pense pas que c’est ce qui me libère ». Je pense que tout le monde est ce qu’il est, ce qu’il ressent être, et ça peut changer tous les jours si ça leur chante, tu vois ? Voilà, pour moi, c’est ça l’avenir du genre. C’est simplement que tout le monde peut être soi-même, quoi que ça veuille dire.

[Musique d’outro de Gender Reveal – Début]

Tuck : Et voilà pour l’épisode de cette semaine. Si vous avez passé un bon moment, partagez cet épisode avec des personnes de vos communautés. Ca nous aide vraiment à faire parler de nous. River joue son spectacle à Fort Worth, Texas, plus tard dans la semaine, à Los Angeles le 30 avril et le 7 mai dans le cadre de Netflix Is A Joke. Apprenez-en plus à riverbutcher.com ou sur Twitter et Instagram à @rivbutcher. Nous sommes @gendereveal et sur genderpodcast.com, où vous pouvez trouver une transcription de chaque épisode du podcast et toutes sortes d’autres ressources. N’oubliez pas qu’on a aussi des super produits dérivés à bit.ly/gendermerch. Vous ne voudriez surtout pas rater les designs de ce mois-ci. Ce sera ouvert jusqu’au 30 avril. On a aussi un nouveau flux de podcast que vous pouvez suivre à patreon.com/gender. En donnant quelques dollars par mois, vous nous aidez à continuer notre émission et à financer notre programme de bourses. D’ailleurs, les artistes et activistes trans non-blanc·hes peuvent candidater dès aujourd’hui à notre programme de bourses du printemps à bit.ly/tpoc22.

Cet épisode est produit et réalisé par Ozzy Llinas Goodman, et par moi, Tuck Woodstock. Notre logo est fait par Ira M. Leigh. Notre générique est par Breakmaster Cylinder. La musique additionnelle de cette semaine est par Blue Dot Sessions. On se revoit la semaine prochaine avec plus de réflexions sur le genre.

[Musique d’outro de Gender Reveal – Fin]

Tuck : J’adore comment on a tous les deux le même ennemi juré de carrière, Joe Rogan. [River rit]

River : Oui, d’accord.

Tuck : Parce que c’est le plus gros podcasteur, et aussi un des « humoristes » les plus connus.

River : Oui, d’accord. Et d’ailleurs, Tuck, j’ai une blague sur Joe Rogan. On a beaucoup de choses en commun, en fait ! On est tous les deux humoristes de stand-up, on parle tous les deux beaucoup de personnes trans, et on prend tous les deux de la testostérone. [Tuck et River rient]

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  1. Possiblement mon épisode préféré de ce podcast, vous devriez vraiment le lire (surtout si vous êtes transmasc, évidemment).