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Bâtir aussi, des Ateliers de l’Antémonde

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2011, les printemps arabes ont donné le ton à d’autres révoltes. Un mouvement mondialisé s’étend, c’est l’Haraka. Les productions industrielles, les États et toutes les hiérarchies vacillent. Des dynamiques populaires s’entrechoquent pour répondre aux nécessités de la survie et dessiner un futur habitable.

2021, les communes libres s’épanouissent sur les ruines du système. Comment vivre avec l’héritage de l’Antémonde ? Comment faire le tri des objets et des savoirs d’une époque aux traces tenaces ? Les haraks dessinent leur quotidien en fonction de leurs ressources et de leurs rêves. Des dynamos aux rites funéraires, des lave-linge aux assemblées, ces nouvelles d’anticipation politique racontent non pas une utopie parachutée, hors-sol, mais des routines collectives qui se confrontent à la matière, à ce qui résiste dans les têtes, bâtissant un monde qui s’espère sans dominations.

Bâtir aussi a été une lecture franchement agréable. J’adore ces romans qui prennent un « et si… » et décident de creuser à fond dedans, avec des bouts de sciences en tous genres et de géopolitique, en suivant des personnes super variées dans plein de lieux en France (pardon, en Rhônalpie et à Nantes), en Catalogne et à Genève et en voyant ce qu’est devenu leur quotidien un mois, un an, dix ans après la Haraka, cette extension du Printemps arabe à une grosse partie de l’Europe.

Trop cool, du solarpunk !

C’est un roman solarpunk qui nous présente des nouveaux horizons et n’essaie pas de tout voir en rose. La famine guette, les femmes continuent à faire la popote pour leurs maris. C’est la même population qu’avant, avec ses vieux cons anti-végés et ses ados égoïstes et ses bourgeois qui vivent en ermites, et c’est quand même un nouveau monde qui se construit et qui retrouve doucement le droit au plaisir.

Chaque chapitre a son personnage principal, et comme souvent dans ce genre de format, il y en a qui sont beaucoup, beaucoup plus intéressants que les autres. À vous de trouver votre favori – personnellement, je pense que je pourrais lire un bouquin entier sur la réparatrice de lave-linges qui se balade en Rhônalpie, et sur la journaliste de France 3 devenue propagandiste révolutionnaire.

Mes reproches à Bâtir aussi

J’ai un râlage à faire sur le sujet de la transphobie, par contre. Le roman a fait attention à inclure des personnes trans… euh non, pardon, une vieille féministe radicale pas transphobe. Franchement, je n’en demande pas plus à un ouvrage de fiction qui n’a pas des centaines de personnages et ne se concentre pas sur le genre, tout va bien. Par contre, ça m’a un peu attristé qu’autant de temps soit passé à exposer toutes les opinions violentes des TERF, pour finir avec un « Jeanne s’était rendu compte que tout ça c’est débile et était finalement devenue pote avec les TransPédéGouines du coin » (en gros). C’est cool sur le fond, hein, mais je me suis quand même pris une avalanche de haine dans la gueule avec une petite fin de « mais tkt on sait que c’est des conneries ! ».

Et tant que je suis occupé à râler, ben, le primitivisme c’est toujours pas ma came, même après ce bouquin.

Commentaire / Comment

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  1. Conversation sur le Discord Solarpunk francophone, pour la postérité :

    [Personne 1]
    Pour qui ne connaît pas ton parcours (c’est mon cas), ton paragraphe reproches est assez sibyllin. je l’ai terminé ce week end également, j’ai eu un peu de mal à terminer, cette succession de portraits leur permet de proposer leur vision sur de nombreux aspects de « l’après », mais l’immersion en prend un coup à mon sens. Les personnes un peu âgées sont toujours très actives et pas trop malades, tant mieux pour elles, je ne serai pas aussi optimiste sur la question. Quand au côté transpédégouines, je crois que y’a beaucoup d’approches différentes à cette question, et qu’elle n’aurait de toute façon pas convenue à beaucoup. Afin de rendre le récit le plus large possible, je crois qu’ils ont pris des options consensuelles, déjà qu’un futur pareil peut paraître très chaotique pour la plupart des gens.

    [Personne 2]
    Si je peux y aller de mon ressenti, j’ai beaucoup de mal à finir ce livre, parce que sa lecture n’est pas franchement agréable pour moi, mais au contraire anxiogène.
    Ce n’est pas un problème d’immersion (puisqu’à mon avis ce n’est pas le sujet du livre), mais de représentation d’une réalité réaliste (au sens où ça parait effectivement être un chemin possible voire probable si on veut vraiment un futur vivable) mais terrifiant (parce que passant par des phases de violence crues). En ça je rejoins alex sur la violence de certaines représentations.
    Je me demandais d’ailleurs si, dans le café lecture qui avait eu lieu sur ce serveur, vous aviez abordé le point « comment survivre à l’anxiété causée par la lecture de Bâtir aussi » (j’ai pas encore eu/pris le temps de l’écouter) ?

    [Personne 1]
    tu m’inquiètes je me préparais à l’offrir à quelqu’un, mais avec ton retour j’ai peur de ne pas être très bienveillant. Moi j’ai trouvé ça pas super violent au contraire, même les luttes à la caillasse, c’est pas très éloigné de ce qui s’est passé à notre dame des landes, il me semble. pas de drone, pas de chars, pas de tout ce que l’armée peut faire de vraiment crade.

    [Personne 2]
    Je pense que ça dépend beaucoup de la sensibilité de la personne. Je sais que je suis une personne sujette à l’anxiété et à la peur de la violence, mais si la personne à qui tu comptais l’offrir n’est pas comme ça…je trouve que les thèmes abordés par le livre très importants

    [Moi]
    Ouais j’ai surtout étonné de pas lire une utopie, mais je trouve que c’est un point positif du roman de ne pas chercher à montrer un paradis de douceur

    [Personne 2]
    Il cherche à montrer toute la crasse du court/moyen terme, et le fait plutôt pas mal.
    Disons que, heureusement qu’il y a aussi des utopies (Moine et Robot :heart_enby: )

    [Moi]
    « ton parcours personnel » → c’est vrai, mes excuses ! en fait je pense que je me serais mieux porté s’il n’y avait pas eu cette tentative d’inclusion. dans le roman comme il est, il n’y avait pas la place pour bien traiter du sujet de la transidentité, ça arrive, c’est franchement pas grave à mon avis (d’autant plus qu’on a quand même plusieurs persos queer et pas de sous-texte transphobe ni essentialiste donc pas besoin de « corriger le tir »), et le fait de vouloir absolument mettre un paragraphe sur les personnes trans m’a donné un goût amer parce que le groupe d’écriture n’a clairement pas eu le temps de développer suffisamment pour en faire quelque chose de bien. Pour moi, soit on avait un perso dont on glissait à un moment « X est trans », soit on prenait le temps d’ajouter une vignette.

    mais JUSTEMENT : « Les personnes un peu âgées sont toujours très actives et pas trop malades, tant mieux pour elles, je ne serai pas aussi optimiste sur la question. » j’ai pensé pareil et c’est ce qui me gêne le plus dans le bouquin, et que j’ai occulté en un petit « pas ouf le primitivisme ». quid des personnes qui ont besoin des douze mille machines de l’hôpital pour vivre et qui ne peuvent pas se balader à vélo à travers les pyrénées ? j’ai passé tout le bouquin à me poser la question, d’autant plus que le seul besoin d’aménagements mentionné (la personne intolérante au gluten) est selon moi le morceau le moins positif du bouquin

    « Ce n’est pas un problème d’immersion (puisqu’à mon avis ce n’est pas le sujet du livre), mais de représentation d’une réalité réaliste (au sens où ça parait effectivement être un chemin possible voire probable si on veut vraiment un futur vivable) mais terrifiant (parce que passant par des phases de violence crues). » → tout pareil. Je pense pas que ce soit une mauvaise chose, mais c’est pour moi un bouquin à offrir à quelqu’un qui est déjà 100% convaincu par le projet et qui a envie de lire un roman, pas pour faire découvrir le projet, parce qu’il ne fait pas envie, il donne juste des réflexions intéressantes

    « Moi j’ai trouvé ça pas super violent au contraire, même les luttes à la caillasse, c’est pas très éloigné de ce qui s’est passé à notre dame des landes, il me semble. pas de drone, pas de chars, pas de tout ce que l’armée peut faire de vraiment crade. » → j’ai trouvé la violence franchement supportable aussi

    « tu m’inquiètes je me préparais à l’offrir à quelqu’un, mais avec ton retour j’ai peur de ne pas être très bienveillant. » → cf. juste au-dessus je pense : si c’est quelqu’un qui aime le solarpunk, c’est une approche alternative super intéressante. si c’est pour lui donner envie du projet de société présenté par le bouquin… tu connais mieux la personne que nous, mais moi ça m’aurait pas convaincu haha